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il s’imaginait l’entrevue prochaine, et un bonheur éperdu le faisait frissonner.

Et puis son esprit s’arrêta sur les derniers mois qu’il venait de vivre, ces mois qui s’étaient écoulés comme un rêve et qui néanmoins lui avaient paru si longs, si vides, si fastidieux.

Mais Max Lamar secoua ses pensées. Le train ralentissait, entrait en gare.

Sur le quai accourut le brave Yama, qui s’empara de la valise du docteur.

— On vous attend, monsieur le docteur. Dépêchez-vous, lui dit-il avec une grimace de satisfaction.

Dans le délicieux jardin d’une coquette villa, Max Lamar se trouva, quelques instants plus tard, en présence de Florence, auprès de laquelle se pressaient Mme Travis et Mary.

L’émotion de tous était profonde.

Max Lamar s’était arrêté à trois pas de Mlle Travis et la contemplait éperdument. Ce qui le frappait par-dessus tout, c’était l’extrême jeunesse de Florence. Il n’y avait plus sur son joli visage cette expression d’inquiétude, de trouble, ou bien de hardiesse insolite, qui parfois en altérait le charme. Il n’y avait plus que douceur, apaisement, sérénité, sourire ingénu, candeur de petite fille qui ne sait rien de l’existence, qui n’a pas de passé et dont les yeux n’aperçoivent que les horizons de l’avenir. Et pourtant… pourtant…

Max Lamar se souvint de la gracieuse image dont Gordon s’était servi dans son plaidoyer en évoquant la vision d’une bonne fée qui, par le moyen d’un talisman, appelé le Cercle Rouge, récompensait les bons et punissait les méchants.

Oui. il en était ainsi. Une bonne fée… une de ces bonnes fées intrépides et indomptables qui, dans les contes, secourent les misérables, pourchassent le mal, passent au travers des flammes, marchent sur les flots, sont bénies par les pauvres gens et par les enfants qu’elles éblouissent.

La Fée au Cercle Rouge ! Elle avait livré contre le monstre une bataille d’autant plus âpre que le monstre était en elle et qu’il lui avait fallu vaincre un ennemi en quelque sorte séculaire, qui la persécutait avant même qu’elle fût née, et qui disposait de toutes les forces de l’enfer, de toutes les puissances invisibles et sournoises du monde mystérieux, des instincts et des fatalités !

Et elle avait accompli tout cela en se jouant, avec son rire heureux de vierge qui fait germer des fleurs où ses pieds ont posé. Elle s’était servie d’armes emprisonnées, et ses propres blessures avaient guéri par le miracle de sa claire volonté et de son intelligence lucide.

Et c’était cette petite fille qui avait agi ainsi, celle qu’il aimait et qui lui offrait sa vie, la Fée au Cercle Rouge, la Fée aux yeux limpides, à l’âme naïve et aux mains blanches, incomparablement blanches.

Ces mains, il les baisa l’une après l’autre, la droite surtout, avec la dévotion et l’extase d’un fidèle, et il murmura :

— Flossie, chère Flossie, dois-je croire à mon bonheur ?

Elle répondit, en frissonnant de tendresse et d’amour :

— Croyez-y de toute votre âme. Vous tenez ma main dans la vôtre. Regardez-la bien. Elle est pure… Et elle est à vous… Le terrible Cercle Rouge n’y reparaîtra plus…

Alors il lui dit :

— Permettez-moi d’en placer un autre, Flossie… un cercle qui ne vous quittera jamais…

Elle s’abandonna, toute heureuse et toute rougissante, et, au doigt de la jeune fille il passa un cercle d’or, bague des épousées…


FIN