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ment en Amérique, mais encore dans le monde entier, et des journaux européens avaient envoyé des correspondants spéciaux pour le procès sensationnel qui s’ouvrait.

Dans l’enceinte réservée au public se pressaient des personnalités connues et des gens du monde. Une foule de femmes élégantes, amenées par la plus vive curiosité, occupaient les premiers rangs, côte à côte avec des écrivains, des artistes et surtout beaucoup de médecins. Le Cercle Rouge suscitait dans les milieux scientifiques la plus vive curiosité.

Une autre partie du public, plus simple, mais aussi plus sincèrement sympathique à l’accusée, était composée par les boutiquiers et les employés, victimes de l’usurier Bauman, et qui savaient gré à Florence Travis d’avoir, par son intervention, empêché celui-ci de les ruiner définitivement.

Le fond de la salle, enfin, était, comme toujours, occupé par des gens sans aveu que passionnent toutes les affaires criminelles et que celle-ci intéressait surtout à cause des comparses qui s’y trouvaient mêlés. On parlerait de Jim et de Bob Barden. On parlerait de Clara Skinner et de Tom Dunn, dont le procès suivi d’une sévère condamnation avait eu lieu le mois précédent. On parlerait surtout du fameux Sam Smiling dont, la mort tragique avait causé une profonde impression dans les bas-fonds de la ville.

Au banc de la défense se tenait Gordon, que l’on observait avec une curiosité vive, et dont la présence avait suscité un murmure de sympathie.

Sur un autre banc réservé, Max Lamar était assis à côté de Mary. Derrière eux se trouvaient Randolph Allen et quelques policiers en civil. Une armée de sténographes, d’huissiers, de gardiens, de comparses de toute espèce se pressait dans le prétoire.

Le bruit des conversations remplissait l’immense salle du tribunal, mais soudain un grand silence s’établit.

Le président et ses assesseurs faisaient leur entrée.

— Gardes, introduisez l’accusée, dit le président à haute voix.

Un mouvement de curiosité ardente se produisit et tous les regards se braquèrent sur Florence Travis, que l’on guidait vers le banc des accusés. Elle était simplement, mais élégamment vêtue. Plus jolie que jamais dans la pâleur qui donnait à sa beauté quelque chose de touchant, elle jeta autour d’elle le charmant regard de ses grands yeux si doux et si fiers, avec une assurance franche et simple qui souleva une rumeur sympathique que le président n’essaya pas de réprimer.

Puis, le jury étant installé, le président commença l’interrogatoire.

À toutes les questions, Florence répondit avec calme et sincérité. La dignité qu’elle sut garder, tout en observant, vis-à-vis du président, la plus grande déférence, obligea ce dernier à adoucir la rudesse des traditions judiciaires et il conduisit son interrogatoire avec une parfaite courtoisie.

Florence conservait tout son sang-froid. Elle ne se laissa pas troubler par certaines questions insidieuses. Elle rectifia des dates, précisa des points obscurs, mit en ordre quand il le fallut l’énumération des faits incriminés, et, en un mot, répondit au président avec autant d’habileté que celui-ci en mettait à l’interroger.

Me Gordon au banc de la défense prenait des notes. Il était satisfait. Les débats débutaient bien.

L’interrogatoire ayant pris fin on passa à l’audition des témoins.

Le premier fut Max Lamar. Sa situation de médecin légiste donnait à sa déposition un poids considérable. De l’avis qu’il formulerait devait en grande partie dépendre la réponse faite par le tribunal à cette