Page:Leblanc - Le Cercle rouge, paru dans Le Journal, 1916-1917.djvu/227

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Gordon, tout animé par l’étrangeté du problème, discutait avec lui-même à demi-voix :

— Car enfin, si Florence Travis est vraiment l’auteur de tous les actes dont on l’accuse, je me demande dans quel but elle aurait agi. Par intérêt ? Jamais ! Elle est trop riche. Par perversité ? Il ne faut pas la connaître pour penser ainsi. D’ailleurs, tous ses actes ont eu des résultats justes et utiles. C’est à n’y rien comprendre.

Pendant qu’il réfléchissait avec une attention profonde, et que les pensées les plus contradictoires traversaient son cerveau, un homme entra, portant un journal qu’il lisait avec la plus grande attention.

C’était un multi-millionnaire bien connu, nommé Philéas Ponsow. Très intelligent, très actif et très avisé, il avait autrefois été l’employé du père Farwell, qui l’avait apprécié selon ses mérites et lui avait prêté les fonds nécessaires à l’installation d’une grosse affaire de pêcheries. Grâce à mon travail, à sa rondeur, à sa connaissance de la question dont il s’occupait, il avait acquis une fortune considérable. On le surnommait le roi du Hareng, car il était, véritablement le maître du marché.

Ayant aperçu Gordon, qu’il tenait en grande estime et à la culpabilité de qui il n’avait jamais cru, il lui tendit cordialement la main.

— Eh bien, mon cher ami, dit Ponsow, vous connaissez la nouvelle ? L’arrestation de miss Florence Travis. Voilà qui est sensationnel. Si sensationnel que je n’y comprends rien. Et ce que je me demande aussi c’est ce que Silas Farwell vient faire dans cette histoire. Il a assisté et coopéré à l’arrestation de miss Travis. De quoi se mêle-t-il ?

— Il s’est mêlé souvent de bien des choses dans lesquelles il n’aurait pas dû intervenir, dit Gordon en hochant la tête.

— Je sais, mon cher ami. Nous connaissons tous votre histoire.

— Non, monsieur Ponsow, vous ne la connaissez pas tout entière, et, sachant votre sympathie pour moi, je vais vous en faire la confidence complète, certain que mon secret sera bien gardé. Vous apprendrez ainsi comment il se fait que Silas Farwell ait pris une part active à l’affaire du Cercle Rouge et comment je m’y trouve moi-même indirectement mêlé.

Gordon fit alors à Philéas Ponsow le récit qu’il avait déjà fait à Florence Travis.

— Ah ! la canaille ! s’écria Ponsow. D’ailleurs, rien ne m’étonne de Silas Farwell.

Gordon poursuivit :

— Ce n’est pas tout. Le reçu, le fameux reçu que Silas Farwell m’avait extorqué, lui a été repris avec autant de courage que d’adresse. Devinez par qui ? Par Florence Travis elle-même qui me l’a rendu.

— Vous l’avez fait disparaître ?

— Je l’ai brûlé, et j’en ai dispersé les cendres au vent. C’est de la sorte que je vais me trouver mêlé de près à cette cause célèbre. Mais ce n’est pas comme témoin que je voudrais paraître à ce procès. C’est comme avocat. Je voudrais, à mon tour,