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ma fille… Je le sais, je le sens, j’en suis sûre. Jamais ma fille n’eût commis cela !

— Maman !

— Ne me donnez plus ce nom… Vous n’êtes pas ma fille… J’en suis sûre, maintenant… Je sais qui fut votre père… Je vous ai entendu parler de ces affreuses choses avec Mary… Je n’y avais pas pris garde… Je n’avais pas compris… Comment aurais-je pu comprendre ?… vous étiez ma fille, vous étiez tout au monde pour moi !…

Mais je sais que vous avez usurpé auprès de moi une place qui n’était pas la vôtre. Je sais que, volontairement, sciemment, vous m’avez trompée !…

— Ayez pitié de moi, gémit Florence.

— Jamais ! jamais !… Je ne vous connais plus.

Et, lentement, inflexiblement, la vieille dame, d’un pas raide et mécanique, se retira vers le fond du jardin, appuyée sur Yama, qui s’était approché.

Florence, la tête baissée, semblait à présent résignée. Ses beaux yeux même, devenus ternes, n’avaient pas de larmes.

— Flossie, ma chérie, mon enfant bien aimée, murmura la fidèle Mary en lui prenant la main.

Mais le chef de police, à ce moment, se tourna vers Max Lamar, lui frappa sur l’épaule, et, désignant Florence Travis :

— Docteur Lamar, c’est à vous que revient l’honneur d’arrêter la dame au Cercle Rouge. Vous pourrez, mieux que nous, lui adoucir l’épreuve, ajouta-t-il tout bas, emporté par la pitié que, malgré son indifférence professionnelle, il éprouvait pour la jeune fille.

Max Lamar se sentait près de devenir fou, mais il n’eut pas un mouvement de révolte.

Doucement, très doucement, il prit Florence par le bras, et, celle-ci, tressaillant à peine, passivement le suivit.

Mary, secouée par les larmes, supplia Randolph Allen.

— Laissez-moi partir avec elle !

Le chef de la police acquiesça de la tête et tous deux suivirent Florence et Max Lamar. Silas Farwell fermait la marche.

Dans l’automobile qui les attendait à la porte et qu’avait commandée Randolph, en prévision de l’événement, les deux femmes, nu-tête, prirent place en face des deux hommes. Silas Farwell s’assit à côté du chauffeur.

Et tandis que la voiture démarrait, on entendit, venant du jardin, un bruit monotone, spasmodique, déchirant.

C’était Mme Travis qui sanglotait, accablée de chagrin et maintenant solitaire…



XXXVI

Volonté et destinée


Quelques jours après les dramatiques événements qui avaient abouti à la découverte du mystère du Cercle Rouge, dans un modeste logement, au troisième étage d’une maison simple et tranquille, deux femmes s’entretenaient tristement.

C’étaient Florence et sa gouvernante Mary.

Grâce à la protection de Max Lamar, la jeune fille avait obtenu la mise en liberté provisoire, sous caution.

La chose ne s’était pas faite sans difficultés.

Silas Farwell qui avait porté plainte contre Mlle Travis, était implacable et accumulait démarches sur démarches pour s’opposer à cette faveur. Max Lamar avait vaincu tous les obstacles. L’amitié de Randolph Allen lui fut précieuse en cette circonstance. Le chef de police n’avait, on le sait, que fort peu d’estime pour Silas Farwell. D’autre part, il ressentait une sincère affection pour Max Lamar, et ne pouvait se défendre d’éprouver pour Florence une profonde pitié. Son action toute puissante leva les dernières difficultés.

Florence Travis se vit donc épargner la honte d’être enfermée avec des prison-