Page:Leblanc - Le Cercle rouge, paru dans Le Journal, 1916-1917.djvu/178

Cette page a été validée par deux contributeurs.

appelez les choses par leur nom. Vous vouliez consulter le policier… le détective… le limier… Vous avez l’embarras du choix.

— Je vous remercie. Mettons que ce soit ça. Oui, je voulais avoir de vous quelques conseils sur une affaire…

— Je la connais.

— Vous la connaissez ?

— Absolument. Il s’agit, n’est-ce pas, du fameux avocat Gordon, qui partit en emportant les fonds destinés aux ouvriers de votre coopérative… du moins, c’est votre accusation contre lui, n’est-ce pas ?

— Oui, c’est mon accusation, et je la fonde sur d’indéniables preuves.

Max Lamar n’avait pas oublié la terrible aventure où il avait failli perdre la vie. Il n’avait pas oublié, non plus, que Gordon l’avait miraculeusement sauvé. Il lui en avait, du reste, témoigné implicitement sa reconnaissance, en refusant de prêter son concours à ceux qui avaient mission de l’arrêter à Surfton.

Il aurait aimé apprendre que l’auteur du geste courageux dont il avait bénéficié était victime de quelque erreur judiciaire, avait été enveloppé dans une ténébreuse machination. Cette hypothèse, il lui plaisait de s’y arrêter : Gordon innocent !

Max Lamar regardait Silas Farwell au fond des yeux et se demandait si le négociant, dont il connaissait le caractère peu recommandable et l’absence absolue de scrupules, n’était pas le vrai coupable.

— Vous dites que vous avez des preuves ? Des preuves certaines ?

— Autant que peuvent l’être des preuves écrites de la main même du coupable, répondit Silas Farwell. Ce sont là, je pense, les plus péremptoires.

— En effet, opina Max Lamar, à moins que… On a vu des accusations terribles établies sur des… erreurs, acheva-t-il en retenant le mot « faux », qui lui venait aux lèvres.

Silas protesta.

— Je vous affirme que les documents que j’ai en ma possession ne peuvent prêter au doute ni à l’erreur… D’ailleurs, je m’offre à vous les communiquer, séance tenante…

— Ici même ?

— J’ai dit séance tenante, c’est une manière de parler. Mais si vous voulez m’accompagner jusqu’à mes bureaux, je mettrai sous vos yeux les preuves irréfutables dont je viens de vous parler.

Max Lamar n’hésita pas. Il voulait être fixé sur le vrai caractère de Gordon.

— S’il est coupable, pensa-t-il, je m’abstiendrai de toute action personnelle contre lui. Ce sera une manière d’acquitter ma dette. Mais si j’entrevois en sa faveur la moindre présomption d’innocence, je mettrai tout en œuvre pour lui faire rendre justice.

— Je suis prêt à vous suivre, dit-il à Silas Farwell. Je ne serais pas fâché d’établir définitivement mon opinion sur le personnage.

— Et, si vous êtes convaincu, vous m’aiderez à le faire arrêter ?

— Pour cela, nous verrons. N’anticipons pas. Allons d’abord aux preuves.

Au moment où les deux hommes descendaient les marches du perron du club, une auto traversait la rue.

Brusquement à cinquante mètres plus loin, le véhicule stoppa. Une femme en descendit, du côté de la chaussée, elle dit quelques mots au chauffeur, qui remit la voiture en marche, et elle s’avança rapidement derrière Max Lamar et Silas Farwell, qui cheminaient sans se presser.

Les deux hommes arrivaient au seuil de la maison Farwell, quand une voix joyeuse se fit entendre.