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— Vous êtes fou !

Mme Travis voulut s’interposer.

— Viens, Florence, laisse-là cet individu. Il me fait peur !

Mais, résolue soudain, Florence repoussa affectueusement la bonne dame en lui disant :

— Laissez-moi, maman… je n’ai rien à craindre. Je veux parler à cet homme… Venez, dit-elle à Sam, en s’éloignant de quelques pas.

Elle avait pensé que, peut-être, elle serait utile à la cause de Max Lamar, en faisant adroitement parler le receleur. Et cette raison-là lui donnait toutes les audaces.

— Vous savez, dit-elle sévèrement, que je devrais vous faire arrêter.

Sam Smiling eut un ricanement.

— Oh ! Oh ! comme vous y allez, ma belle enfant ! Me faire arrêter ?

— Certes, je n’ignore plus rien de votre existence.

— Alors, dénoncez-moi, ma petite. Seulement, je vous préviens qu’on ne m’arrêtera pas seul.

— Et qui donc avec vous ?

— Qui ? Florence Travis, tout simplement.

— Que dites-vous ? s’écria Florence en pâlissant soudain.

— Oh ! rien… rien… Seulement, voilà… je n’ai pas mangé depuis deux jours bientôt. Alors, j’ai pensé que la fille du Cercle Rouge, — vous m’entendez bien ? — la fille du Cercle Rouge voudrait bien nourrir et protéger ce brave Sam Smiling, sinon.

Florence Travis crut voir autour d’elle tourner tout ce qui l’environnait… Elle défaillit, saisie d’une folle terreur, et balbutia :

— Que dites-vous ? Que signifient ces paroles… ces menaces ?…

— Ce ne sont pas des menaces. J’expose une situation… que vous connaissez comme moi…

— Je ne comprends pas… Vous dites des choses que je ne comprends pas…

Sam Smiling eut un sourire affreux.

— Vous voulez m’obliger à préciser ?

Et, brusquement, saisissant la main de Florence :

— Regardez !

Le Cercle Rouge avait pâli et semblait s’effacer. Mais les traces en étaient encore si visibles que Florence comprit l’impossibilité de toute négation.

— Lâchez-moi, vous me faites mal ! Et puis que voulez-vous de moi ? De l’argent ?

Sam remua la tête négativement.

— De l’argent, j’en ai.

— Alors, que voulez-vous ?

— De quoi manger d’abord, et ensuite un abri, un abri pour quelque temps… un abri pour toujours.

Florence se redressa avec hauteur.

— Cela, jamais ! Sauver un bandit comme vous, jamais !

— Alors, je vous perdrai avec moi !

— Allons donc ! À qui irez-vous raconter votre histoire ? Personne ne vous croira.

— On ne me croira pas d’abord. Mais la police est curieuse, vous savez !… Une fois qu’on lui a dit les choses elle s’en occupe. Après tout ce qui s’est passé, en vérifiant les coïncidences, on finira par avoir des doutes. On les précisera. Vous ne pourrez pas refuser d’être mise en observation… et alors…

Florence se tordait les bras sans répondre.

— Allons ! allons ! ne vous désolez pas, dit Sam Smiling d’un ton narquois et protecteur. Tout peut très bien s’arranger. Sauvez-moi, cachez-moi. Vous serez la dernière personne que l’on soupçonnera d’a-