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Max Lamar interrompit, d’un ton calme :

— Un inspecteur est sur ses traces. Cet inspecteur sait que je suis chez vous et doit me prévenir dès que ce sera utile… D’ailleurs ma présence ici se justifie…

— Par quoi ?

— Par le désir de vous revoir… oui, de vous revoir pour vous remettre le bijou retrouvé…

Et, dépliant le papier dans lequel il avait enfermé le pendentif, il prit le bijou et le tendit à Florence.

Cette dernière eut un regard plein de tendresse et de ravissement.

— Rappelez-vous, dit-elle, ce que je vous ai demandé tout à l’heure.

Et d’un geste adorable, se penchant vers Max, elle lui tendit sa nuque.

Lamar, tremblant un peu, grisé par le charme de Florence, eut quelque hésitation. Il attacha maladroitement la chaîne autour du cou de la jeune fille. Au moment où il scellait le fermoir, il éprouva comme une défaillance, et Florence sentit sous ses boucles légères une haleine tiède qui lui sembla se transformer en un frôlement.

Elle se redressa.

— Merci, docteur. C’est très bien.

Elle se tenait toute droite, rigide, les yeux un peu exorbités, en proie à une sorte d’influence magnétique. Il lui semblait que le Cercle Rouge, ce Cercle Rouge maudit qui rôdait autour d’eux, même pendant cette heure exquise, allait apparaître sur sa main. Une force extérieure et qui venait certainement de Lamar semblait lutter pourtant contre la fatalité héréditaire qui grandissait en elle.

Laquelle serait victorieuse ?

Il est à croire que l’influence de Lamar n’était pas encore assez puissante sur la jeune fille, car elle sentit peu à peu, malgré toutes les résistances, monter à sa main l’horrible stigmate.

Elle fut prise d’une terreur affreuse.

Si Max Lamar allait s’apercevoir…

Elle avait la sensation que le Cercle, sur sa main qu’elle cherchait à cacher, s’agrandissait, rougissait, éclatant, impossible à dissimuler.

La sonnerie du téléphone retentit à ce moment.

Max Lamar, encore sous l’impression du charme souverain qu’il venait de goûter, sursauta, rappelé à la réalité.

— Ne vous dérangez pas. C’est sûrement pour moi, dit-il.

Florence, une fois de plus, était sauvée.

— À tout à l’heure, fit-elle en se retirant…

Max Lamar, ayant décroché le récepteur, écoutait.

— Allo ! C’est vous, Smithson ? Bien ! Qu’y a-t-il ?… Vous avez retrouvé la piste de Sam Smiling ? Parfait ! Où êtes-vous ? Birmingham Bar ? Seul ? Comment ? avec lui ?… À la table voisine… Mais c’est admirable… Est-ce bien sûr ?… Bien sûr ?… Que dites-vous ?… Allo !… Il se lève… Il part ?… Ne le lâchez pas, morbleu !… Je vais dans votre direction. Bon courage… Allo !… À tout à l’heure…

Max Lamar prit son chapeau. Il n’y avait pas un instant à perdre !

Il sortit rapidement de la villa.

Ses idées étant redevenues très claires, il se sentait prêt à l’action. Son plan était simple. Surfton n’avait qu’une grande rue qui conduisait à la plage en venant de la gare. Il y avait peu de chance pour que Sam retournât vers cette dernière. En se postant du côté de la falaise, au contraire, on pouvait espérer pincer le malfaiteur, si toutefois Smithson n’y avait pas encore réussi.

Max fit un léger détour par la droite pour rejoindre le Birmingham Bar, d’où il repartirait vers la direction supposée.

Le jour tombait rapidement.

Les lumières de l’établissement n’éclairaient plus, lorsqu’il y arriva, qu’une salle vide.

— Partis ! Je le savais… Remontons