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Elle s’en défendait, mais en vain. Elle pensait à Max Lamar. L’image du docteur se présentait à chaque instant devant ses yeux.

— Je l’aime… et tout me sépare de lui.

Cette idée lui faisait mal. Elle sentait bien que Max se laissait, lui aussi, entraîner sur la pente d’un sentiment très naturel, mais qui se changerait peut-être en mépris le jour où il apprendrait que l’objet de son amour était la fille de Jim Barden, le fou, le criminel marqué de la tare héréditaire.

— Oh ! ce Cercle Rouge, affreux stigmate, pourquoi ne puis-je en abolir le retour !

Et, comme elle se désespérait à ce point que des larmes jaillissaient de ses yeux, voici que l’horrible cercle se mit à transparaître peu à peu sous la peau diaphane de sa main. Il prit une teinte plus rouge que le sang et qu’avivait encore la lumière crue du soleil qui montait au-dessus de l’horizon.

Florence Travis se leva, en proie à une inexprimable agitation. La bonne gouvernante Mary entrait à ce moment précis sous la véranda.

— Qu’avez-vous, Flossie ? demanda-t-elle avec inquiétude.

— Rien, ma bonne Mary. Je désire sortir un peu. Il faut que je sorte.

— Comme cela, en kimono ?

— Bah ! avec mon béret et une ceinture, sur la plage, personne ne remarquera que ma toilette du matin est un peu plus négligée que de coutume. D’ailleurs, je vais à la poste et je reviens.

— À la poste ? interrogea Mary. Est-ce pour porter une lettre ? J’irai.

— Non, Mary, répondit Florence, de plus en plus surexcitée, c’est pour un télégramme que je désire envoyer moi-même.

— Alors, je vous accompagne, dit avec vivacité Mary, qui venait d’apercevoir le Cercle Rouge sur la main de Florence.

— Mais non, mais non… ma chère Mary, tu t’inquiètes à tort… Je sais pourquoi, ajouta-t-elle en montrant sa main. Mais, vois, cette chose affreuse pâlit, s’efface. Dans quelques instants, elle se sera évanouie…

Et, la voix altérée :

— Oh ! si cela pouvait s’évanouir à tout jamais !

— Pauvre petite Flossie que j’aime, dit la fidèle Mary en étreignant tendrement la jeune fille. Qui sait ? qui sait si la science, un jour, ne trouvera pas le moyen de vous soustraire à cette terrible hérédité.

— La science ! Il n’y a qu’un homme de science que je crois capable de réaliser ce prodige. Et c’est le seul auquel je ne m’adresserai jamais !

— Je sais… je comprends… Alors, vous devriez avoir peur de lui et ne le revoir jamais !

— Oh ! cela est encore impossible. Quelque chose est entre nous qui nous lie à son insu. C’est ce mystère même qu’il recherche partout, alors qu’il est si près de lui. Si je cesse de le voir, comment pourrais-je connaître ce qu’il se propose de faire et le détourner à temps de la bonne piste, de ma propre piste ? Pour qu’il ne me soupçonne jamais, il faut que je demeure sa collaboratrice.

Et brusquement :

— D’ailleurs, c’est à lui que je veux envoyer ce télégramme.

— À quel sujet ? Ayez confiance en moi, Flossie !

La jeune fille hésita un instant.

— Eh bien ! soit ! accompagne-moi.

Toutes deux se dirigèrent vers le bureau de poste.