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toire écoutant la conversation que Daubrecq et moi nous avions par téléphone, et Le Ballu, qui surveillait la maison, vous avait vu sortir. Je pensais donc bien que vous fileriez Daubrecq, le soir.

— Et l’ouvrière qui est venue ici, une fin d’après-midi ?

— C’était moi, moi, découragée, qui voulais vous voir.

— Et c’est vous qui avez intercepté la lettre de Gilbert ?

— Oui, j’avais reconnu son écriture sur l’enveloppe.

— Mais votre petit Jacques n’était pas avec vous ?

— Non. Il était dehors, en automobile avec Le Ballu. Je l’ai fait monter par la fenêtre du salon, et il s’est glissé dans cette chambre par l’orifice du panneau.

— Que contenait la lettre ?

— Malheureusement des reproches de Gilbert. Il vous accusait de le délaisser, de prendre l’affaire à votre compte. Bref, cela me confirmait dans ma méfiance. Je me suis enfuie.

Lupin haussa les épaules avec irritation.

— Que de temps perdu ! Et par quelle fatalité n’avons-nous pas pu nous entendre plus tôt ? Nous jouions tous deux à cache-cache… Nous nous tendions des pièges absurdes… Et les jours passaient, des jours précieux, irréparables.

— Vous voyez, vous voyez, dit-elle en frissonnant… vous aussi, vous avez peur de l’avenir !

— Non, je n’ai pas peur, s’écria Lupin. Mais je pense à ce que nous aurions pu déjà accomplir d’utile si nous avions réuni nos efforts. Je pense à toutes les erreurs, à toutes les imprudences que notre accord nous eût évitées. Je pense que votre tentative de cette nuit pour fouiller les vêtements que porte Daubrecq fut tout aussi vaine que les autres, et que, en ce moment, grâce à notre duel stupide, grâce au tumulte que nous avons fait dans son hôtel, Daubrecq est averti et se tiendra sur ses gardes plus encore qu’auparavant.