Page:Leblanc - Le Bouchon de cristal, paru dans Le Journal, 25-09 au 09-11-1912.djvu/89

Cette page a été validée par deux contributeurs.

à Enghien, devait être chez vous. Je ne me trompais pas. Au bout de quelques minutes mon petit Jacques, qui s’était introduit dans votre chambre, me le rapportait. Je m’en allai frémissante d’espoir. Maîtresse à mon tour du talisman, le gardant pour moi seule, sans en prévenir Prasville, j’avais tout pouvoir sur Daubrecq. Je le faisais agir à ma guise et, dirigé par moi, esclave de ma volonté, il multiplierait les démarches en faveur de Gilbert, obtiendrait qu’on le laissât évader, ou tout au moins qu’on ne le condamnât pas. C’était le salut.

— Eh bien ?

Clarisse se leva dans un élan de tout son être, se pencha sur Lupin, et lui dit d’une voix sourde :

— Il n’y avait rien dans ce morceau de cristal, rien, vous entendez, aucun papier, aucune cachette. Toute l’expédition d’Enghien était inutile ! Inutile, le meurtre de Léonard ! Inutile, l’arrestation de mon fils ! Inutiles, tous mes efforts !

— Mais pourquoi ? Pourquoi ?

— Pourquoi ? Vous aviez volé à Daubrecq, non pas le bouchon fabriqué sur son ordre, mais le bouchon qui avait servi de modèle au verrier John Howard, de Stourbridge.

Si Lupin n’avait pas été en face d’une douleur aussi profonde, il n’eût pu retenir quelqu’une de ces boutades ironiques que lui inspirent les malices du destin.

Il dit entre ses dents :

— Est-ce bête ? Et d’autant plus bête qu’on avait donné l’éveil à Daubrecq.

— Non, dit-elle, le jour même, je me rendis à Enghien. Dans tout cela Daubrecq n’avait vu et ne voit encore aujourd’hui qu’un cambriolage ordinaire, qu’une mainmise sur ses collections. Votre participation l’a induit en erreur.

— Cependant, ce bouchon disparu…

— D’abord cet objet ne peut avoir pour lui qu’une importance secondaire, puisque ce n’est que le modèle.

— Comment le savez-vous ?

— Il y a une éraflure à la base de la tige,