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pour moi, il n’y avait pas la moindre hésitation. Nous connaissions la cachette. Il fut entendu que nous agirions chacun de notre côté, tout en correspondant secrètement. Je le mis en rapport avec Clémence, la concierge du square Lamartine qui m’était toute dévouée…

— Mais qui l’était moins à Prasville, dit Lupin, car j’ai la preuve qu’elle le trahit.

— Maintenant peut-être, au début non, et les perquisitions de la police furent nombreuses. C’est à ce moment, il y a de cela dix mois, que Gilbert reparut dans ma vie. Une mère ne cesse pas d’aimer son fils, quoi qu’il ait fait, quoi qu’il fasse. Et puis Gilbert a tant de charme !… Vous le connaissez. Il pleura, il embrassa mon petit Jacques, son frère… Je pardonnai.

Elle prononça, la voix basse, les yeux fixés au sol :

— Plût au ciel que je n’aie pas pardonné ! Ah ! si cette heure pouvait renaître ! comme j’aurais l’affreux courage de le chasser ! Mon pauvre enfant… c’est moi qui l’ai perdu…

Elle continua pensivement :

— J’aurais eu tous les courages s’il avait été tel que je me l’imaginais, et tel qu’il fut longtemps, m’a-t-il dit… marqué par la débauche et par le vice, grossier, déchu… Mais, s’il était méconnaissable comme apparence, au point de vue, comment dirais-je ? au point de vue moral, sûrement il y avait une amélioration. Vous l’aviez soutenu, relevé, et quoique son existence me fût odieuse… tout de même il gardait une certaine tenue, quelque chose comme un fond d’honnêteté qui remontait à la surface. Il était gai, insouciant, heureux. Et il me parlait de vous avec tant d’affection !

Elle cherchait ses mots, embarrassée, n’osant trop condamner devant Lupin le genre d’existence qu’avait choisi Gilbert, et cependant ne pouvant en faire l’éloge.

— Après ? dit Lupin.