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l’objet. Dans cette diable d’affaire, les gaffes sont irréparables.

Il n’avait pas quitté Victoire des yeux. Accompagnée d’un commis, elle allait d’un comptoir à l’autre, parmi la foule des clients. Elle stationna ensuite assez longtemps devant la caisse et passa près de Lupin.

Il ordonna, tout bas :

— Rendez-vous derrière le lycée Janson.

Elle le rejoignit dans une rue peu fréquentée.

— Et si l’on me suit ? dit-elle.

— Non, affirma-t-il. J’ai bien regardé. Écoute-moi. Où as-tu trouvé ce bouchon ?

— Dans le tiroir de sa table de nuit.

— Cependant, nous avons déjà fouillé là.

— Oui, et moi encore hier matin. C’est sans doute qu’il l’y a mis cette nuit.

— Et sans doute aussi qu’il va l’y reprendre, observa Lupin.

— Peut-être bien.

— Et s’il ne l’y trouve plus ?

Victoire parut effrayée.

— Réponds-moi, dit Lupin : s’il ne l’y trouve plus, est-ce toi qu’il accusera du vol ?

— Évidemment…

— Alors, va l’y remettre, et au galop.

— Mon Dieu ! mon Dieu ! gémit-elle, pourvu qu’il n’ait pas eu le temps de s’en apercevoir. Donne-moi l’objet, vite.

— Tiens, le voici, dit Lupin.

Il chercha dans la poche de son pardessus.

— Eh bien ? fit Victoire la main tendue.

— Eh bien, dit-il au bout d’un instant, il n’y est plus.

— Quoi !

— Ma foi, non, il n’y est plus… on me l’a repris.

Il éclata de rire, et d’un rire qui, cette fois, ne se mêlait d’aucune amertume.

Victoire s’indigna.

— Tu as de la gaieté de reste !… Dans une pareille circonstance !…

— Que veux-tu ? Avoue que c’est vraiment drôle. Ce n’est plus un drame que