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huit heures et demie, avec une dame et qu’il devait la conduire dans un théâtre.

— Je prendrai une baignoire, comme il y a six semaines, avait dit Daubrecq.

Et il avait ajouté en riant :

— J’espère que, pendant ce temps-là, je ne serai pas cambriolé.

Pour Lupin, les choses ne firent pas de doute. Daubrecq allait employer sa soirée de la même façon qu’il l’avait employée six semaines auparavant, tandis que l’on cambriolait sa villa d’Enghien. Connaître la personne qu’il devait retrouver, savoir peut-être aussi comment Gilbert et Vaucheray avaient appris que l’absence de Daubrecq durerait de huit heures du soir à une heure du matin, c’était d’une importance capitale.

Pendant l’après-midi, avec l’assistance de Victoire, et sachant par elle que Daubrecq rentrait dîner plus tôt que de coutume, Lupin sortit de l’hôtel.

Il passa chez lui, rue Chateaubriand ; manda par téléphone trois de ses amis, endossa un frac, et se fit, comme il disait, sa tête de prince russe, à cheveux blonds et à favoris coupés ras.

Les complices arrivèrent en automobile.

À ce moment, Achille, le domestique, lui apporta un télégramme adressé à M. Michel Beaumont, rue Chateaubriand. Ce télégramme était ainsi conçu :

« Ne venez pas au théâtre ce soir. Votre intervention risque de tout perdre. »

Sur la cheminée, près de lui, il y avait un vase de fleurs. Lupin le saisit et le brisa en morceaux.

— C’est entendu, c’est entendu, grinça-t-il. On joue avec moi comme j’ai l’habitude de jouer avec les autres. Mêmes procédés. Mêmes artifices. Seulement, voilà, il y a cette différence…

Quelle différence ? Il n’en savait trop rien. La vérité, c’est qu’il était déconcerté, lui aussi, troublé jusqu’au fond de l’être, et qu’il ne continuait à agir que par obstination, pour ainsi dire par devoir, et sans