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De fait, une malchance incroyable s’acharnait après lui et le réduisait à tâtonner au hasard, sans que jamais il lui fût possible d’utiliser les éléments de réussite que son obstination ou que la force même des choses mettaient entre ses mains. Gilbert lui confiait le bouchon de cristal. Gilbert lui envoyait une lettre. Tout cela disparaissait à l’instant même.

Et ce n’était plus, comme il avait pu le croire jusqu’ici, une série de circonstances fortuites, indépendantes les unes des autres. Non. C’était manifestement l’effet d’une volonté adverse poursuivant un but défini avec une habileté prodigieuse et une audace inconcevable, l’attaquant lui, Lupin, au fond même de ses retraites les plus sûres, et le déconcertant par des coups si rudes et si imprévus qu’il ne savait même pas contre qui il lui fallait se défendre. Jamais encore, au cours de ses aventures, il ne s’était heurté à de pareils obstacles.

Et, au fond de lui, grandissait peu à peu une peur obsédante de l’avenir. Une date luisait devant ses yeux, la date effroyable qu’il assignait inconsciemment à la justice pour faire son œuvre de vengeance, la date à laquelle, par un matin d’avril, monteraient sur l’échafaud deux hommes qui avaient marché à ses côtés, deux camarades qui subiraient l’épouvantable châtiment.


III. — La vie privée d’Alexis Daubrecq.


En entrant chez lui après son déjeuner, le lendemain de ce jour où la police avait exploré son domicile, le député Daubrecq fut arrêté par Clémence, sa concierge. Celle-ci avait réussi à trouver une cuisinière en qui l’on pouvait avoir toute confiance.

Cette cuisinière, qui se présenta quelques minutes plus tard, exhiba des certificats de premier ordre, signés par des personnes auprès desquelles il était facile de prendre des informations. Très active, quoique d’un certain âge, elle acceptait de faire le ménage à elle seule sans l’aide d’aucun