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qui ai préparé le coup, et quand ce n’est pas moi, je n’ai qu’à moitié confiance.

— Bah ! patron, voilà trois ans que je travaille avec vous… Je commence à la connaître !

— Oui… mon garçon, tu commences, dit Lupin et c’est justement pourquoi je crains les gaffes… Allons, embarque… Et toi, Vaucheray, prends l’autre bateau… Bien… Maintenant, nagez les enfants… et le moins de bruit possible.

Grognard et Le Ballu, les deux rameurs, piquèrent droit vers la rive opposée, un peu à gauche du casino.

On rencontra d’abord une barque où un homme et une femme se tenaient enlacés et qui glissait à l’aventure ; puis une autre où des gens chantaient à tue-tête. Et ce fut tout.

Lupin se rapprocha de son compagnon et dit à voix basse :

— Dis donc, Gilbert, c’est toi qui as eu l’idée de ce coup-là, ou bien Vaucheray ?…

— Ma foi, je ne sais pas trop… il y a des semaines qu’on en parle tous deux.

— C’est que je me méfie de Vaucheray… Un sale caractère… en dessous… Je me demande pourquoi je ne me débarrasse pas de lui…

— Oh ! patron !

— Mais si ! mais si ! c’est un gaillard dangereux… sans compter qu’il doit avoir sur la conscience quelques peccadilles plutôt sérieuses.

Il demeura silencieux un instant, et reprit :

— Ainsi tu es bien sûr d’avoir vu le député Daubrecq ?

— De mes yeux vu, patron.

— Et tu sais qu’il a un rendez-vous à Paris ?

— Il va au théâtre.

— Bien, mais ses domestiques sont restés à sa villa d’Enghien…

— La cuisinière est renvoyée. Quant au valet de chambre Léonard qui est l’homme de confiance du député Daubrecq, il attend son maître à Paris, d’où ils ne peuvent pas revenir avant une heure du matin. Mais…

— Mais ?

— Nous devons compter sur un caprice possible de Daubrecq, sur un changement d’humeur, sur un retour inopiné et, par conséquent, prendre nos dispositions pour avoir tout fini dans une heure.

— Et tu possèdes ces renseignements ?…

— Depuis ce matin. Aussitôt, Vaucheray et moi nous avons pensé que le moment était favorable. J’ai choisi comme point de départ le jardin de cette maison en construction que nous venons de quitter et qui n’est pas gardée la nuit. J’ai averti deux camarades pour conduire les barques, et je vous ai téléphoné. Voilà toute l’histoire.

— Tu as les clefs ?

— Celles du perron.

— C’est bien la villa qu’on discerne là-bas, entourée d’un parc ?

— Oui, la villa Marie-Thérèse, et comme les deux autres, dont les jardins l’encadrent, ne sont plus habitées depuis une semaine,