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— Soit, monsieur, dit-il. Quand l’heure sera venue, nous nous verrons. À bientôt, Daubrecq, tu entendras parler de moi.

Et il ajouta, entraînant Vorenglade :

— Quant à toi, Vorenglade, tu joues là un jeu dangereux.

— Et pourquoi donc, mon Dieu ? fit l’ancien député.

Ils s’en allèrent tous les deux. Daubrecq n’avait pas dit un mot, et il restait immobile, comme cloué au sol.

Le monsieur âgé s’approcha de lui et murmura :

— Dis donc, Daubrecq, il faut te réveiller, mon vieux… Le chloroforme, peut-être ?…

Daubrecq serra les poings et poussa un grognement sourd.

— Ah ! fit le monsieur âgé… je vois que tu me reconnais… Alors tu te rappelles cette entrevue, il y a plusieurs mois, quand je suis venu te demander, dans ta maison du square Lamartine, ton appui en faveur de Gilbert ? Je t’ai dit ce jour-là : « Bas les armes. Sauve Gilbert, et je te laisse tranquille. Sinon je te prends la liste des vingt-sept, et tu es fichu. » Eh bien, je crois que tu es fichu. Voilà ce que c’est de ne pas s’entendre avec ce bon monsieur Lupin. On est sûr un jour ou l’autre d’y perdre jusqu’à sa chemise. Enfin ! que cela te serve de leçon ! Ah ! ton portefeuille que j’oubliais de te rendre. Excuse-moi si tu le trouves un peu allégé. Il y avait dedans, outre un nombre respectable de billets, le reçu du garde-meuble où tu as mis en dépôt le mobilier d’Enghien que tu m’avais repris. J’ai cru devoir t’épargner la peine de le dégager toi-même. À l’heure qu’il est, ce doit être fait. Non, ne me remercie pas. Il n’y a pas de quoi. Adieu, Daubrecq. Et si tu as besoin d’un louis ou deux pour t’acheter un autre bouchon de carafe, je suis là. Adieu, Daubrecq.

Il s’éloigna.

Il n’avait pas fait cinquante pas que le bruit d’une détonation retentit.

Il se retourna.

Daubrecq s’était fait sauter la cervelle.

De profundis, murmura Lupin, qui enleva son chapeau.