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un poulet, et que je ne saurai pas me défendre, et que je n’ai plus de griffes, ni de crocs pour mordre. Eh bien, mon petit, si je reste sur le carreau, il y en aura toujours un qui tombera avec moi… ce sera le sieur Prasville, l’associé de Stanislas Vorenglade, lequel Stanislas Vorenglade va me remettre toutes les preuves possibles contre lui, de quoi te faire ficher en prison sur l’heure. Ah ! je te tiens, mon bonhomme. Avec ces lettres, tu marcheras droit, crebleu ! Et il y aura encore de beaux jours pour le député Daubrecq. Quoi ? Tu rigoles ? Ces lettres n’existent peut-être pas ?

Prasville haussa les épaules.

— Si, elles existent. Mais Vorenglade ne les a plus.

— Depuis quand ?

— Depuis ce matin. Vorenglade les a vendues, il y a deux heures, contre la somme de quarante mille francs. Et moi, je les ai rachetées, le même prix.

Daubrecq eut un rire formidable.

— Dieu que c’est drôle ! Quarante mille francs ! Tu as payé quarante mille francs ! À M. Nicole, n’est-ce pas, à celui qui t’a vendu la liste des vingt-sept ? Eh bien, veux-tu que je te dise le vrai nom de ce M. Nicole ? C’est Arsène Lupin.

— Je le sais bien.

— Peut-être. Mais ce que tu ne sais pas, triple idiot, c’est que j’arrive de chez Stanislas Vorenglade, et que Stanislas Vorenglade a quitté Paris depuis quatre jours ! Ah ! ah ! ce qu’elle est bonne, celle-là ! On t’a vendu du vieux papier ! Et quarante mille francs ! Mais quel idiot !

Il partit en riant aux éclats, et laissant Prasville absolument effondré.

Ainsi Arsène Lupin ne possédait aucune preuve, et quand il menaçait, et quand il ordonnait, et quand il le traitait, lui, Prasville, avec cette désinvolture insolente, tout cela c’était de la comédie, du bluff !

— Mais non… mais non, ce n’est pas possible… répétait le secrétaire général… J’ai l’enveloppe cachetée… Elle est là… Je n’ai qu’à l’ouvrir.

Il n’osait pas l’ouvrir. Il la maniait, la soupesait, la scrutait… Et le doute pénétrait si rapidement en son esprit qu’il n’eut