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— Qu’on l’achève ! Qu’on le porte là-bas ! dit une voix, au milieu de l’affolement.

— Mais il est mort !…

— Allez-y… Qu’on l’achève !

Dans le petit groupe des magistrats, des fonctionnaires et des agents, le tumulte était à son comble. Chacun donnait des ordres.

— Qu’on l’exécute !… Que la justice suive son cours !…

— On n’a pas le droit de reculer !… Ce serait de la lâcheté…

— Qu’on l’exécute !

— Mais il est mort !

— Ça ne fait rien !… Il faut que les arrêts de justice soient accomplis !… Qu’on l’exécute !

L’aumônier protestait, tandis que deux gardes et que des agents surveillaient Gilbert. Cependant les aides avaient repris le cadavre et le portaient vers la guillotine.

— Allez-y ! criait l’exécuteur, effaré, la voix rauque… Allez-y… Et puis, l’autre après… Dépêchons…

Il n’acheva pas. Une seconde détonation retentissait. Il pirouetta sur lui-même et tomba, en gémissant :

— Ce n’est rien… une blessure à l’épaule… Continuez… Au tour de l’autre !…

Mais les aides s’enfuyaient en hurlant. Un vide se produisit autour de la guillotine. Et le préfet de police qui, seul, avait conservé tout son sang-froid, jeta un commandement d’une voix stridente, rallia ses hommes et refoula vers la prison, pêle-mêle, comme un troupeau désordonné, les magistrats, les fonctionnaires, le condamné à mort, l’aumônier, tous ceux qui avaient franchi la voûte deux ou trois minutes auparavant.