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aux préparatifs habituels. Mais il n’admettait point qu’on lui parlât.

— Pas de mots, répétait-il… Quoi ? me confesser ? Pas la peine. J’ai tué. On me tue. C’est la règle. Nous sommes quittes.

Un moment, néanmoins, il s’arrêta net.

— Dites donc ? Est-ce que le camarade y passe aussi ?

Et quand il sut que Gilbert irait au supplice en même temps que lui, il eut deux ou trois secondes d’hésitation, observa les assistants, sembla prêt à dire quelque chose, haussa les épaules et enfin murmura :

— Ça vaut mieux… On a fait le coup ensemble… on « trinquera » ensemble.

Gilbert ne dormait pas non plus quand on entra dans sa cellule.

Assis sur son lit, il écouta les paroles terribles, essaya de se lever, se mit à trembler des pieds à la tête, comme un squelette que l’on secoue, et puis retomba en sanglotant.

— Ah ! ma pauvre maman… ma pauvre maman, bégaya-t-il.

On voulut l’interroger sur cette mère dont il n’avait jamais parlé, mais une révolte brusque avait interrompu ses pleurs, et il criait :

— Je n’ai pas tué… je ne veux pas mourir… je n’ai pas tué !

— Gilbert, lui dit-on, il faut avoir du courage.

— Oui… oui… mais puisque je n’ai pas tué, pourquoi me faire mourir ?… je n’ai pas tué… je vous le jure… je n’ai pas tué… Je ne veux pas mourir… je n’ai pas tué… on ne devrait pas…

Ses dents claquaient si fort que les mots devenaient inintelligibles. Il se laissa faire, se confessa, entendit la messe, puis, plus calme, presque docile, avec une voix de petit enfant qui se résigne, il gémit :