Page:Leblanc - Le Bouchon de cristal, paru dans Le Journal, 25-09 au 09-11-1912.djvu/238

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ordre spécial, tous les cabarets furent fermés. Vers trois heures, deux compagnies d’infanterie vinrent camper sur les trottoirs, et, en cas d’alerte, un bataillon occupa le boulevard Arago. Parmi les troupes trottaient des gardes municipaux, allaient et venaient des officiers de paix, des fonctionnaires de la préfecture, tout un personnel mobilisé pour la circonstance et contrairement aux habitudes.

La guillotine fut montée dans le silence, au milieu du terre-plein qui s’ouvre à l’angle du boulevard et de la rue, et l’on entendait le bruit sinistre des marteaux.

Mais vers quatre heures la foule s’amassa, malgré la pluie, et des gens chantèrent. On réclama des lampions, et puis le lever du rideau, et l’on s’exaspérait de constater que, à cause de la distance où les barrages étaient établis, c’est à peine si l’on pouvait apercevoir les montants de la guillotine.

Plusieurs voitures défilèrent, amenant les personnages officiels vêtus de noir. Il y eut des applaudissements, des protestations, en suite de quoi un peloton de gardes municipaux à cheval dispersa les rassemblements et fit le vide jusqu’à plus de trois cents mètres du terre-plein. Deux nouvelles compagnies de soldats se déployèrent.

Et tout d’un coup ce fut le grand silence. Une blancheur confuse se dégageait des ténèbres de l’espace.

La pluie cessa brusquement.

À l’intérieur, au bout du couloir où se trouvent les cellules des condamnés à mort, les personnages vêtus de noir conversaient à voix basse.

Prasville s’entretenait avec le procureur de la République, qui lui manifestait ses craintes.

— Mais non, mais non, affirma Prasville, je vous assure que cela se passera sans incidents.