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verra… Gilbert ? La condamnation de Gilbert ? l’échafaud ? mais toute ma force est là ! Quoi ! voilà plus de vingt années que j’attends mon heure, et c’est quand elle sonne, quand le hasard m’apporte cette chance inespérée, quand je vais connaître, enfin, la joie de la revanche complète… et quelle revanche !… c’est maintenant que je renoncerais à cela, à cette chose que je poursuis depuis vingt ans. Je sauverais Gilbert, moi, pour rien ! pour l’honneur ! moi, Daubrecq… Ah ! non, non, tu ne m’as pas regardé.

Il riait d’un rire abominable et féroce. Visiblement, il apercevait en face de lui, à portée de sa main, la proie qu’il pourchassait depuis si longtemps. Et Lupin aussi évoqua Clarisse, telle qu’il l’avait vue quelques jours auparavant, défaillante, vaincue déjà, fatalement conquise, puisque toutes les forces ennemies se liguaient contre elle.

Se contenant, il dit :

— Écoute-moi.

Et comme Daubrecq, impatienté, se dérobait, il le prit par les deux épaules avec cette puissance surhumaine que Daubrecq connaissait pour l’avoir éprouvée dans la baignoire du Vaudeville, et, l’immobilisant, il articula :

— Un dernier mot.

— Tu perds ton latin, bougonna le député.

— Un dernier mot. Écoute, Daubrecq, oublie Mme Mergy, renonce à toutes les bêtises et à toutes les imprudences que ton amour-propre et que tes passions te font commettre, écarte tout cela et ne pense qu’à ton intérêt…

— Mon intérêt ! plaisanta Daubrecq, il est toujours d’accord avec mon amour-propre et avec ce que tu appelles mes passions.