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Il eut l’intuition du danger qu’il courait, d’autant que Suzanne cherchait à lui faire des signes. Mais il avait si bien préparé le début de son histoire que, peu accoutumé à mentir, il n’eût pu y changer un seul mot sans perdre le peu de sang-froid qui lui restait. En outre, exténué lui-même, incapable de réagir contre l’atmosphère d’inquiétude et d’énervement qui l’enveloppait, comment aurait-il discerné le piège que Marthe lui avait tendu inconsciemment ? Il répéta donc :

— Encore une fois, quand je suis sorti de ma chambre, je ne me doutais pas de ce qui s’était passé. C’est un hasard qui m’a mis sur la voie. J’avais gagné le col du Diable et je suivais la route de la frontière, lorsque, à moitié chemin de la Butte-aux-Loups, je distinguai sur ma gauche des gémissements, des plaintes. En m’approchant, je découvris, au milieu des fourrés, un homme blessé, couvert de sang…

— Le déserteur, précisa Mme Morestal.

— Oui, un soldat allemand, Jean Baufeld, répondit Philippe.

Et, tranquille maintenant, car il arrivait à la partie véridique de l’histoire, son entrevue avec le déserteur ayant eu lieu, en