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c’était combiné de longue main… Et M. Morestal est un rude homme !…

Le clairon sonnait sourdement, et, de tous côtés, par la terrasse, par le jardin, par des portes de service, émergeaient des chasseurs alpins.

— Assez ! ordonna l’officier au clairon, ils ont entendu… et il ne faut pas que l’ennemi entende, lui.

Il tira sa montre.

— Midi… Encore deux heures, au moins… Ah ! si j’avais seulement vingt-cinq ou trente minutes devant moi pour préparer la résistance… Mais rien ne les arrêtera… Le passage est libre…

Il appela :

— Fabrègues !

— Mon capitaine.

— Tous les hommes devant la remise, à gauche du jardin. Au fond de la remise, il y a un grenier à fourrage. Vous démolirez la porte…

— Victor, conduisez monsieur, dit Mme Morestal au domestique… Voici la clef.

— Dans le grenier, continua le capitaine, il y a deux cents sacs de plâtre… Vous boucherez le parapet de cette terrasse… Au galop !… Chaque minute vaut une heure.

Lui-même s’approcha du parapet, qu’il mesura et dont il compta les balustres.

Au loin, à une portée de fusil, le col du Diable se creusait, en coupure profonde, au milieu des grands rocs. La ferme Saboureux gardait l’entrée. On ne voyait encore aucune silhouette.

— Ah ! vingt minutes seulement !… Si je les avais, répéta l’officier… La situation de ce Vieux-Moulin est de premier ordre. On aurait quelques chances…

Un adjudant et deux soldats encore apparurent au haut de l’escalier.

— Eh bien, demanda le capitaine Daspry, ils viennent ?

— L’avant-garde bouclait l’usine, à cinq cents mètres du col, répondit l’adjudant.

— Il n’y en a plus d’autres, de la compagnie, derrière vous ?

— Si, mon capitaine, il y a Duvauchel. Il est blessé. On l’a mis sur une civière…

— Duvauchel ! s’écria l’officier avec inquiétude… Ce n’est pas sérieux ?

— Ma foi… je ne sais pas trop.