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Philippe ne bougeait point. Marthe le sentit, sinon ébranlé, du moins inquiet, mal à l’aise. Mais, subitement, il décroisa ses bras, et frappant la table du poing :

— Il le faut ! Il le faut ! J’ai promis !… Et j’ai eu raison de promettre ! Et je tiendrai mon serment ! Ce que tu appelles déserter, c’est combattre, mais le vrai combat ! Moi aussi je vais faire la guerre, mais la guerre d’indépendance et de pensée, et mes compagnons d’héroïsme m’attendent. Va, Marthe, je ne veux plus t’écouter !

Elle se colla contre la porte, les bras étendus :

— Et tes enfants ! tes enfants que tu abandonnes !

— Plus tard, dit-il, tu me les enverras.

Elle leva la main.

— Jamais, je le jure sur leur tête, jamais tu ne les reverras ! Les fils d’un déserteur… Ils te renieront !

— Ils m’aimeront, s’ils comprennent !

— Je leur enseignerai à ne pas te comprendre.

— S’ils ne me comprennent pas, c’est moi qui les renierai. Tant pis pour eux !

Il la prit aux épaules et voulut l’éloigner. Et comme Marthe résistait, il la bouscula, exaspéré par la peur de l’obstacle imprévu qui pouvait survenir, l’arrivée de sa mère, peut-être l’apparition du vieux Morestal.

Marthe faiblit. Aussitôt, il saisit la poignée et tira le battant. Mais, dans un effort