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Elle le fit entrer, ferma la porte et répéta, d’un ton impérieux :

— Où vas-tu, Philippe ?

Il répliqua, aussi nettement :

— Je pars.

— Il n’y a pas de voiture.

— Je vais à pied.

— Jusqu’où ?

— Jusqu’à Noirmont.

— Pour quel train ?

— Le train de Paris.

— Ce n’est pas vrai, dit-elle avec véhémence. Tu ne vas pas à Paris. Tu vas à Langoux prendre le train de Belfort.

— En effet, mais demain matin je serai à Paris.

— Ce n’est pas vrai. Tu ne t’arrêteras pas à Belfort. Tu iras jusqu’à Bâle, jusqu’en Suisse. Et si tu vas en Suisse, ce n’est pas pour un jour, c’est pour des mois… pour la vie !

— Et alors ?

— Tu veux déserter, Philippe.

Il se tut. Et son silence atterra la jeune femme. Si violente que fût la certitude qui la soulevait, Marthe était stupéfaite qu’il ne protestât point.

Elle balbutia :

— Ah ! est-ce possible ? Tu veux déserter !

Philippe s’irrita :

— Eh ! que t’importe ! Depuis hier, tu