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Il prit son chapeau, son vêtement, fit quelques pas de droite et de gauche, puis s’arrêta près de Philippe. Celui-là, semblait-il, n’avait peut-être pas fait l’impossible. À celui-là, peut-être, il restait une étape à franchir. Mais comment le savoir ? Comment pénétrer en cette âme mystérieuse et déchiffrer l’énigme insoluble ? Le Corbier les connaissait bien, ces hommes qu’anime un souffle d’apôtre, et qui sont capables, pour le succès de leur cause, de dévouements admirables, d’immolations presque surhumaines, mais aussi d’hypocrisies, de ruses, de crimes parfois. Que valait ce Philippe Morestal ? Quel rôle jouait-il au juste ? Était-ce à dessein et faussement qu’il avait fait naître la supposition de quelque rendez-vous amoureux ? Ou bien réellement poussait-il l’héroïsme jusqu’à dire la vérité ?

Lentement, pensivement, comme s’il obéissait à un espoir nouveau, Le Corbier revint à sa place, jeta son vêtement sur la table, s’assit, et, interpellant M. de Trébons :

— Une seconde encore… Laissez les dossiers. Et veuillez avoir l’obligeance d’amener ici Mlle Suzanne Jorancé.

M. de Trébons sortit.

— Suzanne est donc là ? dit Jorancé, la