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forme à la réalité des faits. Je suis prêt à tout, monsieur le ministre… à une condition cependant, c’est que notre entretien sera secret. Vis-à-vis de vous, et de vous uniquement, je peux…

Encore une fois, il trouva en face de lui Marthe, l’ennemie imprévue, qui semblait le tenir sous sa griffe comme une proie, et qui ne le lâcherait point, implacable, farouche, attentive aux moindres ruses.

— J’ai le droit d’être là ! s’écria-t-elle. C’est en ma présence que tu dois t’expliquer ! Ta parole n’aura de valeur que si je suis là… Sinon, je la récuse comme un nouveau mensonge. Monsieur le ministre, je vous mets en garde contre une manœuvre…

Le Corbier fit un signe d’approbation, et s’adressant à Philippe :

— À quoi bon, monsieur, un entretien secret ? Quel que soit le crédit que je veuille attacher à votre confidence, il me faudra, pour y croire sans arrière-pensée, un contrôle que votre femme seule, et votre père, pourront me fournir. Malheureusement, après toutes vos versions contradictoires, le doute m’est permis…

— Monsieur le ministre, insinua Philippe, il est quelquefois des circonstances… des faits que l’on ne peut révéler… des secrets d’une telle nature…

— Tu mens ! tu mens ! s’écria Marthe que l’aveu affolait… ce n’est pas vrai. Une femme, n’est-ce pas ! non… non… Ah ! je t’en prie, Philippe… Monsieur le ministre, je vous jure qu’il ment… je vous jure… il va jusqu’au bout de son mensonge. Me trahir, lui ! aimer une autre femme ! N’est-ce pas, Philippe, tu mens ? Oh ! tais-toi, tais-toi !

Soudain Philippe sentit une main qui lui tordait le bras. S’étant retourné, il vit le commissaire Jorancé, tout pâle, la figure menaçante, et il l’entendit qui articulait d’une voix sourde :

— Qu’est-ce que tu as voulu dire ? De qui s’agit-il ? Ah ! je te forcerai bien à répondre, moi !

Philippe le regarda avec stupeur. Et il