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Morestal, qui frémissait d’indignation, il commença, comme s’il avait hâte d’en finir :

— Tout d’abord, le soldat Baufeld ne m’a pas dit des choses aussi nettes que celles que j’ai rapportées. Ses paroles furent obscures, incohérentes.

— Comment ! Mais vos déclarations sont précises…

— Monsieur le ministre, quand j’ai déposé pour la première fois devant le juge d’instruction, j’étais sous le coup de l’arrestation de mon père. J’ai subi son influence. Il m’a semblé que l’incident n’aurait pas de suite si l’arrestation avait été effectuée sur le territoire allemand, et, en relatant les dernières paroles du soldat Baufeld, malgré moi, à mon insu, je les ai interprétées dans le sens même de mon désir. Plus tard, j’ai compris mon erreur. Je la répare.

Il se tut. Le sous-secrétaire feuilleta ses dossiers, relut sans doute la déposition de Philippe, et demanda :

— En ce qui concerne le soldat Baufeld, vous n’avez rien à ajouter ?

Philippe parut fléchir sur ses jambes, au point que Le Corbier le pria de s’asseoir.

Il obéit, et, se maîtrisant, articula :

— Si. Je dois faire à ce propos une révélation qui m’est pénible. Mon père, évidemment, n’y a pas attaché d’importance, mais il me semble…

— Qu’est-ce que tu veux dire ? s’écria Morestal.

— Oh ! mon père, je vous en conjure, supplia Philippe en joignant les mains, nous ne sommes pas ici pour nous quereller, ni pour nous juger, mais pour remplir notre devoir. Le mien est horrible. Ne me découragez pas. Vous me condamnerez après, s’il y a lieu.

— Je te condamne déjà, mon fils.

Le Corbier eut un geste impérieux, et il répéta, d’un ton plus cassant encore :

— Parlez, M. Philippe Morestal.

Très vite, Philippe prononça :

— Monsieur le ministre, le soldat Baufeld avait des relations de ce côté de la