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officiellement. Il nous a paru, en effet, moins ferme, plus vague, la seconde fois que la première. Mais, tel qu’il est, il prend à mes yeux une valeur singulière, puisqu’il corrobore les deux autres. Monsieur Philippe Morestal, vous maintenez dans toute leur rigueur les termes de vos dépositions ?

Philippe se leva, regarda son père, repoussa Marthe qui s’approchait vivement de lui, et répondit à voix basse :

— Non, monsieur le ministre.

VII

Ce fut immédiat. Entre Morestal et Philippe, le duel se dessina sur-le-champ. Les événements des journées précédentes l’avaient préparé : au premier mot, le père et le fils se dressèrent l’un contre l’autre en ennemis irréconciliables, le père fougueux et agressif, le fils inquiet et douloureux, mais inflexible.

Aussitôt, Le Corbier flaira la scène. Il sortit de la tente, enjoignit à la sentinelle de s’éloigner, constata que le groupe des Allemands ne pouvait entendre les éclats de voix, et, après avoir ajusté la portière avec soin, il revint à sa place.

— Tu es fou ! tu es fou ! disait Morestal, qui s’était approché de son fils. Comment oses-tu ?

Et Jorancé reprenait :

— Voyons, Philippe… ce n’est pas sérieux… Tu ne vas pas démentir…

Le Corbier leur imposa silence et, s’adressant à Philippe :

— Expliquez-vous, monsieur, je ne comprends pas.

Philippe regarda de nouveau son père, et, lentement, d’une voix qu’il s’efforçait d’affermir, il reprit :

— Je dis, monsieur le ministre, que certains termes de ma déposition ne sont pas exacts, et qu’il est de mon devoir de les rectifier.

— Parlez, monsieur, ordonna le sous-secrétaire, avec une certaine sécheresse.

Philippe n’hésita pas. En face du vieux