Page:Leblanc - La frontière, paru dans l'Excelsior, 1910-1911.djvu/126

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

je voulais vous dire avant tout. Il faut, maintenant que vous connaissez la réponse allemande, il faut que vous sachiez l’importance considérable, irrémédiable, de chacune de vos paroles. Quant à moi, qui sens tout le poids de ma responsabilité, je veux chercher derrière ces paroles, au-delà de vous-mêmes, s’il n’y a pas quelque détail inaperçu de vous-mêmes, qui détruise la redoutable vérité établie par vos dépositions. Ce que je cherche, je vous le dis franchement, c’est un doute de votre part, une contradiction. Je la cherche…

Il hésita et, d’une voix plus sourde, il acheva :

— Je l’espère presque.

Une grande paix envahit les Morestal. Chacun d’eux, dominant son agitation, se haussa tout à coup au niveau de la tâche qui lui était assignée, et chacun d’eux fut prêt à la remplir vaillamment, aveuglément, en dépit des obstacles.

Et Le Corbier reprit :

— Monsieur Morestal, voici vos dépositions. Je vous demande pour la dernière fois de m’affirmer l’exacte, la complète vérité.

— Je l’affirme, monsieur le ministre.

— Cependant Weisslicht et ses hommes déclarent que l’arrestation a eu lieu en territoire allemand.

— Le plateau est plus large en cet endroit, dit Morestal, le chemin qui sert de délimitation serpente… Pour des étrangers, une erreur est possible. Pour nous, pour moi, elle ne l’est pas. Nous avons été arrêtés sur le territoire français.

— Vous le certifiez sur l’honneur ?

— Je le jure sur la tête de ma femme et de mon fils. Je le jure devant Dieu.