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des officiers allemands, ils pénétrèrent de quelques pas sur le territoire français.

Certains mots de la conversation arrivèrent jusqu’à Morestal. Puis, les deux interlocuteurs s’étant arrêtés, ils perçurent distinctement la voix du statthalter.

— Monsieur le ministre, ma conclusion est forcément différente de la vôtre, puisque tous les agents qui ont participé à cette arrestation sont unanimes à déclarer qu’elle a eu lieu en territoire allemand.

— Le commissaire Jorancé et M. Morestal, objecta M. Le Corbier, affirment le contraire.

— Ils sont seuls à l’affirmer.

M. Philippe Morestal a recueilli l’attestation du soldat Baufeld.

— Le soldat Baufeld a déserté, répliqua vivement le statthalter, son attestation ne compte pas.

Il y eut une pause. Puis l’Allemand reprit, en termes qu’il choisissait lentement :

— Ainsi donc, monsieur le ministre, aucun témoignage étranger n’appuyant l’une ou l’autre des deux versions contradictoires, je ne puis trouver aucune raison qui permette de détruire les conclusions auxquelles ont abouti toutes les enquêtes allemandes. C’est ce que je dirai ce soir à l’empereur.

Il s’inclina. M. Le Corbier enleva son chapeau, hésita une seconde, puis, se décidant :

— Un mot encore, Excellence. Avant de partir… définitivement, j’ai voulu rassembler une dernière fois la famille Morestal. Je vous demanderai, Excellence, s’il est possible que le commissaire Jorancé assiste à cette réunion. Je réponds de lui sur l’honneur.

Le statthalter parut embarrassé. L’acte, évidemment, dépassait ses attributions. Néanmoins il prononça d’un ton net :

— Qu’il soit fait comme vous le désirez, monsieur le ministre. Le commissaire Jorancé est ici, à votre disposition.

Il joignit brusquement les talons, porta