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spectateurs. Sa démonstration fut claire et impérieuse. Ici, le premier coup de feu. Là, crochet à droite, sur le territoire allemand. Là, retour en France, et plus loin, à cet emplacement exact, quinze mètres en deçà de la frontière, le terrain du combat, le lieu de l’arrestation. Les indices abondaient, irréfutables. C’était la vérité, sans crainte d’erreur possible.

Philippe, entraîné, confirma, de façon plus catégorique, sa première déclaration. En approchant de la Butte-aux-Loups il avait entendu les cris du commissaire spécial. Ces mots : « Nous sommes en France… voilà la frontière » lui étaient parvenus distinctement. Et il raconta ses recherches, sa conversation avec le soldat Baufeld, et le témoignage du blessé en ce qui concernait l’envahissement du territoire français.

L’enquête s’acheva sur une bonne nouvelle. Le lundi, quelques heures avant l’agression, maître Saboureux avait aperçu, disait-on, l’Allemand Weisslicht, le chef des policiers, et un nommé Dourlowski, colporteur, qui se promenaient dans les bois et tentaient de se dissimuler.

Or Morestal, sans avouer les rapports qu’il entretenait avec ce personnage, avait cependant relaté la visite du sieur Dourlowski et son offre de complicité. Un accord entre Dourlowski et Weisslicht, c’était la preuve qu’une embuscade avait été dressée et que le passage du soldat Baufeld, combiné pour dix heures et demie, n’avait été qu’un prétexte pour prendre au piège le commissaire spécial et son ami.

Les magistrats ne cachèrent pas leur contentement. L’affaire Jorancé, machination ourdie par des agents subalternes que le gouvernement impérial n’aurait aucune honte à désavouer, se réduisait de plus en plus aux proportions d’un incident qui ne pouvait avoir de lendemain.

— Allons, dit Morestal en emmenant son fils, tandis que les magistrats se rendaient à la ferme Saboureux, allons, ce sera encore plus simple que je ne l’espérais. Ce soir, le gouvernement français connaîtra les conclusions de l’enquête. Un échange de vues