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conclut-elle. Le voilà qui arrive de Saint-Élophe.

Ils le virent descendre de voiture, allègre comme un jeune homme. Il les rejoignit au salon et, tout de suite, il s’écria :

— Hein ! quel vacarme ! J’ai téléphoné à la ville… On ne parle que de cela… Et puis, savez-vous ce qui me tombe sur le dos à Saint-Élophe ? Une demi-douzaine de reporters ! Ce que je les ai congédiés ! Des gens qui enveniment tout, arrangent tout à leur façon !… La plaie de notre époque !… Je vais donner à Catherine des ordres formels… L’entrée du Vieux-Moulin est interdite… Non, mais tu as vu la manière dont ils rapportent mon évasion ? J’aurais étranglé la sentinelle et fait mordre la poussière à deux uhlans qui me poursuivaient !…

Il ne parvenait pas à dissimuler son contentement, et il se redressa, en homme qu’un exploit de ce genre n’étonnait point.

Philippe lui demanda :

— Et l’impression générale ?

— Telle que tu as pu la connaître par les journaux. La libération de Jorancé est imminente. D’ailleurs, je te l’avais dit. Plus nous serons affirmatifs, et nous avons le droit de l’être, plus nous hâterons le dénouement. Comprends bien que, à l’heure actuelle, on interroge l’ami Jorancé et qu’il répond exactement comme moi. Alors ? Non, je le répète, l’Allemagne cédera. Donc ne te fais pas de bile, mon garçon, puisque tu crains tant la guerre… et les responsabilités !…

C’était là, en fin de compte et de même que Marthe, le motif auquel il attribuait les paroles incohérentes que Philippe avait prononcées avant sa comparution devant les magistrats, et, sans regarder plus au fond, il en concevait à son endroit une certaine rancune et un peu de dédain. Philippe Morestal, le fils du vieux Morestal, redouter la guerre ! Encore un que le poison de Paris avait corrompu…