Page:Leblanc - La demoiselle aux yeux verts, paru dans Le Journal, du 8 déc 1926 au 18 jan 1927.djvu/287

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sul, et en prévision des Scythes et des Borusses, les eaux du lac ont recouvert les dieux que j’aimais et les temples où je les vénérais. »

» Par-dessus quoi, quinze siècles ! quinze siècles durant lesquels les chefs-d’œuvre de pierre et de marbre se sont effrités… Quinze siècles qui auraient pu être suivis de cent autres où la mort d’un passé glorieux se serait parachevée, si votre grand-père, en sa promenade dans le domaine abandonné de son ami Talençay, n’avait découvert, par hasard, le mécanisme de l’écluse. Aussitôt les deux amis cherchent, tâtonnent, observent, s’ingénient. On répare. On remet en action les vieilles portes de bois massif qui, jadis, maintenaient le niveau du petit lac et submergeaient les plus hautes parties des constructions.

» Voilà toute l’histoire, Aurélie, et voilà tout ce que vous avez visité à l’âge de six ans. Votre grand-père mort, le marquis n’a plus quitté son domaine de Juvains et s’est consacré corps et âme à la résurrection de la cité invisible. Avec l’aide de ses deux bergers, il a creusé, fouillé, nettoyé, consolidé, reconstitué l’effort du passé, et c’est le cadeau qu’il vous offre. Cadeau merveilleux qui ne vous apporte pas seulement la fortune incalculable d’une source à exploiter, plus précieuse que toutes celles de Royat et de Vichy, mais qui vous donne un ensemble d’œuvres et de monuments comme il n’en existe pas. »

Raoul s’enthousiasmait. Là encore s’écoula plus d’une heure durant laquelle il dit toute l’exaltation que lui causait la belle aventure de la ville engloutie. La main dans la main, ils regardaient l’eau qui s’éle-