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devait dominer la statue de la Jeunesse. On n’en voyait plus que deux, admirables de formes et de grâce, qui trempaient leurs pieds dans cette vasque où les quatre enfants jadis lançaient des jets d’eau.

De gros tuyaux de plomb, autrefois dissimulés sans doute et qui paraissaient venir d’un endroit de la falaise où devait se cacher la source, émergeaient du bassin. À l’extrémité de l’un d’eux, un robinet avait été soudé récemment. Raoul le tourna. Un flot jaillit, tiède, avec un peu de buée.

— L’eau de Jouvence, dit Raoul. C’est cette eau que contenait la bouteille prise au chevet de votre grand-père et dont l’étiquette donnait la formule.

Durant deux heures ils déambulèrent dans la fabuleuse cité. Aurélie retrouvait ses sensations d’autrefois, éteintes au fond de son être, et ranimées tout à coup. Elle avait vu ce groupe d’urnes funéraires, et cette déesse mutilée, et cette rue aux pavés inégaux, et cette arcade toute frissonnante d’herbes échevelées, et tant de choses, tant de choses, qui la faisaient frémir d’une joie mélancolique.

— Mon bien-aimé, disait-elle, mon bien-aimé, c’est à vous que je rapporte tout ce bonheur. Sans vous, je n’éprouverais que de la détresse. Mais près de vous, tout est beau et délicieux. Je vous aime.

À dix heures les cloches de Clermont-Ferrand chantèrent la grand’messe. Aurélie et Raoul étaient parvenus à l’entrée du défilé. Les deux cascades y pénétraient, couraient à droite et à gauche de la Voie triomphale, et s’abîmaient dans les quatre vannes béantes.