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— Eh ! attention, vous n’allez pas nous jeter dans le fossé.

Le paysan s’en moquait bien de cette perspective ! Cinquante francs !… Il tapait à tour de bras, du bout d’un gourdin que terminait une masse de cuivre. La bête affolée redoublait de vitesse. La charrette sautait d’un bord à l’autre de la route. Marescal s’inquiétait de plus en plus.

— Mais c’est idiot !… Nous allons verser… Halte, sacrebleu !… Voyons, voyons, vous êtes toqué !… Tenez, ça y est !… Nous y sommes !…

« Ça y était » en effet. Un coup de rêne maladroit, un écart plus vif, et tout l’équipage piqua dans un fossé d’une façon si désastreuse que la charrette fut retournée par-dessus les deux hommes à plat ventre, et que la bique, empêtrée dans les harnais, sabots en l’air, lançait des ruades sous le plancher du siège.

Marescal se rendit compte tout de suite qu’il sortait indemne de l’aventure. Mais le paysan l’écrasait de tout son poids. Il voulut s’en débarrasser. Il ne le put. Et il entendit une voix aimable qui susurrait à son oreille :

— As-tu du feu, Rodolphe ?

Des pieds à la tête, Marescal sentit que son corps se glaçait. La mort doit donner cette impression atroce de membres déjà refroidis, que rien ne sera plus jamais capable de ranimer. Il balbutia :

— L’homme du rapide…

— L’homme du rapide, c’est ça même, répéta la bouche qui lui chatouillait l’oreille.

— L’homme de la terrasse, gémit Marescal.