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tuelle inhumation de ce qui est notre vie elle-même… Et puis… et puis… un jour…

Paul Vérange s’arrêta. Gassereaux l’avait écouté sans mot dire, comme s’il essayait de deviner, dans l’accent de son ami et dans l’expression de sa physionomie, le secret du drame mystérieux.

— Bien raconté, dit-il en riant. Ton auditoire est pris.

— Je ne cherche pas l’effet, dit Vérange gravement. Mon destin s’est joué jadis en dehors de moi, parmi les ténèbres, et, au jour où je l’ai appris, je n’étais plus libre de quitter une route où ne m’avaient engagé ni ma volonté, ni ma fantaisie, ni ma conscience, Ce jour-là, Gassereaux — il y a dix-huit mois exactement — mon domestique m’avertit qu’une dame désirait me parler. Je demandai le nom de cette dame. Elle me fit répondre que son nom n’importait point et qu’elle insistait pour être reçue. Elle fut introduite.

« Je vis entrer une femme d’aspect un peu provincial, de mise très simple, plus toute jeune, mais dont je dégageai vite la beauté sous l’arrangement qui la mettait si mal en valeur. L’air était sérieux, presque sévère même. Je n’ai jamais vu chez une femme un tel manque de ce qu’on