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étaient ceux qu’il avait récités à Guérande. Sa voix engourdissait Marceline. Elle écouta la dangereuse musique.

Aussi, fut-il à ses côtés avant qu’elle ne devinât la menace proche. Le livre à la main, il dominait Marceline dont la tête demeurait un peu baissée, et il voyait son cou blanc et la ligne de son corsage, « Si elle me repousse, pensa-t-il, je suis perdu. Jamais elle ne me pardonnera. » Il n’hésitait pas cependant. Comment eût-il hésité ? Mais sa voix se mit à trembler, et le livre lui échappa des mains. Alors, subitement inquiète, elle leva les yeux et, tout de suite, se dressa, avec un visage de fureur et en essayant de raidir ses bras pour se défendre.

Il était trop tard. Les bras furent ployés brutalement sous l’étreinte de Vérange qui l’avait empoignée par les épaules et l’attirait contre lui avec une violence irrésistible.

En une minute les deux bouches furent l’une près de l’autre et les corps s’affrontèrent pour le combat suprême. De toutes ses forces rassemblées, de toute son âme qui ne voulait pas, Marceline tâcha d’esquiver le baiser en jetant la tête en arrière et en l’agitant désespérément. Mais l’adversaire exigeait, opiniâtre et sans pitié.

Elle l’injuria :

— Lâche ! Ah ! lâche que vous êtes ! Jamais je ne vous pardonnerai !… Lâche !…

Ils luttaient tous deux comme des sauvages. Elle sentait le souffle de l’homme et voyait ses yeux méchants. À la fin il la renversa sur la chaise. La tête, qui heurta le dossier d’un fauteuil, fut immobilisée, et, un instant, il écrasa de ses lèvres et de ses dents la bouche convoitée.

Sous la morsure, elle eut une telle secousse de rage qu’elle réussit à le repousser et qu’elle put s’enfuir jusqu’à la porte. Elle fit face alors à l’adversaire, et serra de nouveau le poing comme si elle eût brandi un poignard.

Elle était magnifique dans sa posture de haine et de courroux. Elle semblait inat-