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Raoul fut ébloui. Celle-là vraiment était la plus belle, et d’une beauté extraordinaire, où il y avait tout ce qui prête parfois, et si rarement, à la beauté un relief particulier et une expression personnelle. Les épaules nues étaient magnifiques. L’allure, le port de la tête donnaient à croire que cette femme savait se tenir en public, et peut-être paraître en public.

— Une artiste, évidemment, conclut Raoul.

Ses yeux ne se détachaient pas du portrait. Il le tourna, dans l’espoir qu’il y avait une inscription, un nom. Et aussitôt il tressaillit. Ce qui l’avait frappé, dès l’abord, c’était une large signature qui rayait le carton en travers : Élisabeth Hornain, avec ces mots, en dessous : « À toi, jusqu’au-delà de la mort. »

Élisabeth Hornain ! Raoul était trop au courant de la vie mondaine et artistique de son époque pour ignorer le nom de la grande chanteuse, et, s’il ne se rappelait pas le détail précis d’un événement qui s’était produit quinze années plus tôt, il n’en savait pas moins que la belle jeune femme avait succombé aux suites d’une blessure mystérieuse reçue dans un parc où elle chantait en plein air.

Ainsi donc, Élisabeth Hornain comptait au nombre de ses maîtresses, et la façon dont le marquis conservait sa photographie et la tenait séparée des autres montrait la place qu’elle avait occupée dans sa vie.

Entre les deux feuilles de papier, d’ailleurs, il y avait, en outre, une petite enveloppe non fermée qu’il examina et dont le contenu l’édifia tout en ajoutant à sa surprise. Trois choses : une boucle de cheveux, une lettre de dix lignes où elle faisait au marquis son premier aveu d’amour et lui accordait un premier rendez-vous, et un autre portrait d’elle avec ce nom qui intrigua fort Raoul : Élisabeth Valthex.

Sur ce portrait, elle était toute