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Il la souleva dans ses bras et il l’entraînait vers l’escalier, quand il s’arrêta brusquement.

— Le téléphone !

La sonnerie, en effet, retentissait près d’eux.

Raoul décrocha. C’était Courville… Courville essoufflé, haletant, qui bégaya :

— Gorgeret !… deux hommes avec lui… je les ai vus de loin, une fois sorti… Ils fracturaient la grille… Alors, je suis entré dans un café…

Raoul ferma l’appareil et resta immobile, trois ou quatre secondes. Puis, d’un coup, il saisit Clara et la chargea sur son épaule.

— Gorgeret, dit-il simplement.

Avec son fardeau, il dégringola l’escalier.

Devant la porte du vestibule, il écouta. Des pas grinçaient sur le galet. À travers les vitres dépolies que protégeaient des barreaux, il aperçut plusieurs silhouettes. Il déposa Clara.

— Recule jusqu’à la salle à manger.

— Et le garage ? dit-elle.

— Non. Ils ont dû tout cerner. Sans quoi ils seraient plus de trois… Trois bonshommes, je n’en ferais qu’une bouchée.

Il ne poussa même pas le verrou du vestibule. Il reculait pas à pas, tourné vers les agresseurs qui cherchaient à ébranler les battants.

— J’ai peur, dit Clara.

— Quand on a peur, on fait des bêtises. Rappelle-toi ton coup de couteau. Antonine n’a pas bronché, elle, en prison.

Il reprit plus doucement :

— Si tu as peur, moi, au contraire, je m’amuse. Crois-tu donc qu’après t’avoir retrouvée je te laisserai pincer par cette brute-là ? Ris donc, Clara. Tu es au spectacle. Et il est comique.

Les deux battants s’ouvrirent d’un coup. En trois bonds, Gorgeret sauta jusqu’au seuil de la salle, le revolver braqué.