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Antoine se mit à rire, et son rire fut assez naturel.

— C’est très amusant. Tout cela se tient bien. Un vrai roman-feuilleton avec rebondissements et coups de théâtre. Tous mes compliments, d’Enneris. Par malheur, en ce qui me concerne, et sans même insister sur ma soi-disant parenté avec les Martin et sur l’ignorance absolue où je suis de ce second hôtel dont tu parles et qui n’existe que dans ton imagination fertile, par malheur mon rôle est rigoureusement le contraire de celui que tu m’attribues. Je n’ai jamais enlevé personne, ni volé aucun corselet de diamants. Tout ce que mes amis Mélamare, tout ce qu’Arlette, tout ce que Béchoux et toi-même vous avez pu voir de mes actes, n’est que probité, désintéressement, assistance et amitié. Tu tombes mal, d’Enneris.

Objection juste, par certains côtés, et qui ne manqua pas de frapper le comte et sa sœur. La conduite extérieure de Fagerault avait toujours été irréprochable. Et, d’autre part, il pouvait ignorer l’existence de ce second hôtel. D’Enneris ne se déroba pas et répondit, toujours de manière indirecte :

— Il y a des figures qui trompent et des manières d’être qui vous induisent en erreur. Pour moi, je ne me suis jamais laissé prendre à l’air loyal du sieur Fagerault. Dès la première fois où je l’aperçus dans la boutique de sa tante Victorine, je pensai que c’était lui notre adversaire, et lorsque, le soir, dissimulé derrière la tapisserie ainsi que Béchoux, je l’écoutai parler, mon doute devint une certitude. Le sieur Fagerault jouait un rôle. Seulement j’avoue que, précisément, à partir du jour où je le vis, sa conduite me dérouta. Voilà que, tout à coup, cet adversaire semblait en contradiction avec lui-même et avec les plans que je lui attribuais. Voilà qu’il défendait les Mélamare au lieu de les attaquer, et que, en quelque sorte, il changeait de camp. Que se passait-il donc ? Oh ! une chose fort simple. Arlette, notre jolie et douce Arlette, était entrée dans sa vie.

Antoine haussa les épaules en riant.

— De plus en plus drôle. Voyons, d’Enneris, est-ce qu’Arlette pouvait changer ma nature ? et faire que je