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Le silence fut solennel. L’accusation frappait d’horreur le comte et Gilberte. Jean souriait.

— Appelle-le donc, ton brigadier Béchoux. Car il faut que vous sachiez, Monsieur de Mélamare, que le sieur Antoine a introduit ici Béchoux et ses alguazils, uniquement pour moi. J’avais annoncé ma visite, et l’on me sait fidèle à ma parole. Entre donc, mon vieux Béchoux. Tu es là qui t’agites derrière la tapisserie, ainsi que Polonius. C’est indigne d’un policier de ta valeur.

La tapisserie fut écartée. Béchoux entra, le visage résolu, mais avec l’aspect d’un homme qui n’usera de sa toute-puissance qu’au moment où il le jugera à propos.

Van Houben, qui haletait d’impatience, se précipita vers lui.

— Relevez le défi, Béchoux ! Arrêtez-le. C’est le voleur des diamants. Il faut qu’il rende gorge. Après tout, vous êtes le maître ici !

M. de Mélamare s’interposa.

— Un instant. Je désire que tout se passe chez moi dans le calme et dans l’ordre.

Et, s’adressant à d’Enneris :

— Qui êtes-vous, monsieur ? Je ne vous demande pas de rétorquer les accusations de cet article, mais de me dire loyalement si je dois encore vous considérer comme le vicomte Jean d’Enneris…

— Ou comme le cambrioleur Arsène Lupin, interrompit d’Enneris, en riant.

Il se tourna vers la jeune fille.

— Assieds-toi, ma petite Arlette. Tu es tout émue. Il ne faut pas. Assieds-toi. Et quoi qu’il advienne, sois sûre que tout finira bien, puisque c’est pour toi que je travaille.

Et, revenant au comte, il lui dit :

— Je ne répondrai pas à votre question, Monsieur de Mélamare, pour ce motif qu’il ne s’agit pas de savoir qui je suis, mais de savoir ce que c’est qu’Antoine Fagerault ici présent.

Le comte retint Fagerault qui voulait s’élancer, fit taire Van Houben qui parlait de ses diamants, et Jean continua :

— Si je suis venu ici, sans que rien m’y obligeât, ayant en poche ce journal dont j’avais lu l’article, et sachant que Béchoux, stimulé par Fagerault, m’y attendait avec un mandat, c’est que le danger couru par moi me semblait beaucoup moins grand que le danger couru par notre