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Un sondage attentif permit d’affirmer qu’il n’y avait aucune issue dérobée. Le petit réduit attenant au salon, jadis alcôve avec ruelle, était utilisé comme cabinet de débarras. Nulle part, rien de suspect, rien de truqué.

Dans la cour, aucun logement. Aucune remise pour auto. On établit que le comte savait conduire. Mais, s’il avait une auto, où la mettait-il ? Et où se trouvait son garage ? Toutes questions qui ne reçurent point de réponse.

D’autre part, la comtesse de Mélamare demeurait invisible, et le comte se renferma dans un mutisme absolu, refusant aussi bien de s’expliquer sur les points essentiels que de donner les moindres renseignements sur sa vie privée.

Un fait cependant doit être retenu, car il domina toute cette aventure et l’idée générale que chacun en conçut instantanément dans les milieux judiciaires, comme dans la presse et dans le public. Ce fait, que Jean d’Enneris avait éventé dès le début et à propos duquel il voulait se renseigner, le voici, dépouillé de tout commentaire. En 1840, l’arrière-grand-père du comte actuel, Jules de Mélamare, le plus illustre de la race des Mélamare, général sous Napoléon, ambassadeur sous la Restauration, était arrêté pour vol et assassinat. Il mourait de congestion dans sa cellule.

On serra la question de plus près. On fouilla dans les archives. Certains souvenirs s’éveillèrent. Et un document d’une importance considérable fut mis au jour. En 1868, le fils de ce Mélamare, et le grand-père du comte Adrien, Alphonse de Mélamare, officier d’ordonnance de l’empereur Napoléon III, était convaincu de vol et d’assassinat. Dans son hôtel de la rue d’Urfé, il se brûlait la cervelle. L’empereur étouffa l’affaire.

L’évocation de ce double scandale fit une grande impression. Tout de suite, un mot éclaira le drame présent et résuma la situation : atavisme. Si le frère et la sœur ne possédaient pas une grosse fortune, du moins ils jouissaient d’une certaine aisance, ayant hôtel à Paris et château en Touraine, et se consacrant à des œuvres humanitaires ou charitables. Ce n’était donc point uniquement la cupidité qui pouvait ex-