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Van Houben se lamenta.

— Ah ! ce d’Enneris, ce qu’il en a de la chance ! Il fait de vous ce qu’il veut… et de toutes les femmes d’ailleurs.

— Et de tous les hommes aussi, Van Houben. Car, si vous le détestez, vous n’espérez qu’en lui pour vos diamants.

— Oui, mais je suis absolument résolu à me passer de son concours, puisque le brigadier Béchoux est à ma disposition et que…

Van Houben n’acheva pas sa phrase. S’étant retourné, il apercevait sur le seuil de la porte le brigadier Béchoux.

— Vous êtes donc arrivé, brigadier ?

— Depuis un moment, déclara Béchoux, qui s’inclina devant Régine Aubry. La porte était entrouverte.

— Vous avez entendu ce que j’ai dit ?

— Oui.

— Et que pensez-vous de ma décision ?

Le brigadier Béchoux gardait une expression renfrognée et quelque chose de combatif dans l’allure. Il dévisagea Jean d’Enneris comme il l’avait fait la veille et articula fortement :

M. Van Houben, bien qu’en mon absence l’affaire de vos diamants ait été confiée à l’un de mes collègues, il est hors de doute que je participerai aux investigations et, d’ores et déjà, j’ai reçu l’ordre d’enquêter au domicile de Mlle Arlette Mazolle. Mais je dois vous prévenir de la façon la plus nette que je n’accepte à aucun prix la collaboration, ouverte ou clandestine, d’aucun de vos amis.

— C’est clair, dit Jean d’Enneris, en riant.

— Très clair.

D’Enneris, fort calme, ne dissimula pas son étonnement.

— Bigre, monsieur Béchoux, on croirait en vérité que je ne vous suis pas sympathique.

— Je l’avoue, fit l’autre avec rudesse.

Il s’approcha de d’Enneris, et bien en face :

— Êtes-vous bien sûr, monsieur, que nous ne nous soyons jamais rencontrés ?

— Si, une fois, il y a vingt-trois ans, aux Champs-Élysées. On a joué au cerceau ensemble… Je vous ai fait tomber grâce à un croc-en-jambe que vous ne m’avez pas pardonné, je m’en aperçois. Mon cher Van Houben, M. Béchoux a raison. Pas de collaboration possible entre nous. Je vous rends votre liberté et je travaille. Vous pouvez vous en aller.

— Nous en aller, dit Van Houben.

— Dame ! nous sommes ici chez Régine Aubry. C’est moi qui vous ai convoqués. Puisqu’on ne s’accorde pas, adieu ! Filez.

Il se jeta sur le canapé entre les deux jeunes femmes et saisit les mains d’Arlette Mazolle.

— Ma jolie petite Arlette, maintenant que vous avez repris votre équilibre, ne perdons pas notre temps et racontez-moi par le menu ce qui vous est arrivé. Aucun détail n’est inutile.