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lui se remit à faire la noce, même qu’il finit par mourir, d’un coup de sang après une bombe à Paris avec des camarades.

— Et on ne revit pas le cousin ?

— Jamais. Seulement, tous les ans, jusqu’à sa mort, Mme Alexandre passait l’été avec ses filles au bord de la mer, à Cabourg. Et Cabourg, c’est à vingt kilomètres de Caen, où habite maintenant M. Georges Dugrival, le cousin de Mme Alexandre. Même que chez nous, à la cuisine, on disait qu’on l’avait rencontré plusieurs fois sur la plage de Cabourg avec Mme Alexandre, en dehors des deux petites, bien entendu. Et la cuisinière, à l’Orangerie, a dit une fois : « Vous verrez qu’il laissera toute sa fortune à Mlle Élisabeth. C’est couru d’avance. La chose est convenue entre lui et Mme Alexandre. Ah ! elle aura une grosse dot, Mlle Élisabeth !… »

Raoul fut enchanté de son expédition. Plus il y réfléchissait, et plus il comprenait l’importance des résultats acquis. Tout un noyau de lumière se formait autour de ce confit de famille, dans lequel il pressentait l’origine de tant d’actes ténébreux qui commençaient à prendre pour lui une certaine signification.

L’après-midi et le jour suivant, il passa aux Clématites, où il retrouva, malgré l’accueil cordial qu’on lui réservait, cette même impression d’isolement que la première fois, et cette même atmosphère pathétique. Chacun vivait en soi, avec ses pensées propres et son but particulier. À quoi songeaient tous ces gens-là ? De temps à autre, Rolande et Jérôme échangeaient un regard affectueux. Et de temps à autre, les yeux de Félicien quittaient Faustine et le portrait qu’il peignait pour regarder Rolande et Jérôme.

Dans le silence, Rolande dit à son fiancé :

— Vos papiers sont prêts, Jérôme ?

— Certes.

— Les miens aussi. Nous sommes le mardi 7. Fixons notre mariage au samedi 18, voulez-vous ?

Jérôme lui prit la main et la baisa avec une exaltation où se révéla toute l’ardeur de son amour. Elle sourit et ferma les yeux.

Félicien travaillait avec application.

Raoul se dit :

« Le 18 septembre, c’est dans onze jours. Il faut que d’ici là tout se déclenche et que leurs passions fassent éclater la vérité, encore si lointaine et si complexe. »

Il n’avait plus été question de la visite mystérieuse reçue par Rolande. Quelle en avait été la cause ? Pourquoi Rolande, si hostile au début, semblait-elle si douce et si émue au départ ? Et Jérôme Helmas avait-il été mis au courant ?

Le samedi 11 septembre, Raoul fut mandé par Rolande aux Clématites où l’inspecteur Goussot devait venir à 3 heures pour communication importante. Rolande désirait que M. d’Averny et Félicien Charles en fussent témoins.

Raoul fut exact au rendez-vous, Félicien également. Faustine ne parut pas.

La communication que fit l’inspecteur Goussot fut brève. Affectant de ne pas remarquer la présence de Raoul et de Félicien, il ne s’adressa qu’à Rolande et à Jérôme.

— Voilà plusieurs lettres anonymes que nous recevons. Toutes sont dactylographiées, d’une façon d’ailleurs assez maladroite, et toutes sont mises à la poste, la nuit, au Vésinet. Mon enquête, qui a porté sur les personnes ayant une machine à écrire, a dû être connue, car ce ma-