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fort poussiéreuse, comme si elle avait déjà fait, pour venir, un long trajet.

Vers 7 heures, il accostait Faustine, alors qu’elle quittait la clinique.

— On ne sait rien sur ce bonhomme ? Rolande n’a rien dit ?

— Non.

— Parbleu ! fit-il, on vous en aurait parlé que vous n’en souffleriez pas mot ! Soit, je me débrouillerai tout seul. Ce n’est pas bien difficile, en l’occurrence, et c’est encore un peu de vérité qui va s’ajouter à tout ce que j’ai découvert. Nous avançons, Faustine.

Il lui dit, d’une voix plus âpre, agressive :

— Autre chose. Quel jeu jouez-vous aux Clématites ? Vous voici l’amie de la maison. À quel titre ? Qu’y a-t-il de commun entre vous quatre ? Est-ce pour tourner la tête à Félicien que vous déployez vos grâces ? Halte-là, ma petite ! Sans quoi, j’escamote le jeune homme et vous en seriez pour vos frais.

Elle ne se fâcha pas et sourit :

— Ai-je fait des frais pour vous plaire ?

— Ma foi non !

— Et cependant, je vous plais.

— Et rudement, même ! dit-il radouci et riant à son tour. Et c’est peut-être pourquoi je perds un peu la tête…


Le soir et le lendemain matin, Raoul effectua une enquête qui le conduisit en vingt minutes d’auto devant un asile de vieillards situé près de Garches. Sur sa demande, on fit venir dans le parloir, le père Stanislas, brave homme tout branlant et cassé en deux, auquel il exposa le but de sa visite.

— Vous êtes originaire de la commune du Vésinet, et vous y avez séjourné comme domestique plus de quarante ans, dont trente années chez le même patron, qui était le père de M. Philippe Gaverel, propriétaire actuel de la villa l’Orangerie. Je ne me trompe pas, n’est-ce pas ? Or, la municipalité du Vésinet vous a compris dans une distribution de secours, et je suis chargé par elle de vous remettre un billet de cent francs.

Après cinq minutes d’effusions et une heure de bavardage sur le Vésinet, sur les habitants du Vésinet, sur les personnes qui fréquentaient l’Orangerie, sur les personnes qui occupaient les villas voisines de ces personnes, Raoul savait exactement ce qu’il voulait.

En particulier, il savait que le père d’Élisabeth et de Rolande, M. Alexandre Gaverel, frère de l’oncle Philippe, s’entendait mal avec sa femme. C’était un coureur, qui la rendait malheureuse. C’était aussi un jaloux qui, à la fin, avait eu sans doute quelque motif d’être jaloux, vu l’assiduité que montrait auprès du ménage un parent éloigné de Mme Alexandre Gaverel.

— Bref, raconta Stanislas, il y eut des discussions, qu’on entendait du jardin de l’Orangerie, et, un jour — tenez Mlle Élisabeth venait de prendre ses trois ans — un jour, M. Alexandre mit à la porte le cousin de madame, même qu’ils se battaient dans le vestibule, et que le domestique Édouard, un copain à moi, dut donner un coup de main à son patron. Ce qu’ils criaient ! Chez nous, à la Cuisine, on disait que le vrai père de Mlle Élisabeth c’était le cousin Georges Dugrival.

— Mais le ménage Gaverel se raccommoda ? dit Raoul.

— Tant bien que mal. Même qu’ils eurent une fille trois ou quatre ans plus tard, Mlle Rolande. Seulement,