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ce logis sans bourse délier. La serviette de maroquin n’était-elle pas là pour financer l’acquisition ? Comme tout s’arrange !

Cinq minutes plus tard, Lupin faisait passer sa carte, et M. Raoul d’Averny était introduit auprès de M. Philippe Gaverel, dans un salon-studio du rez-de-chaussée, où se trouvaient déjà les deux jolies nièces, que leur oncle lui présenta.

M. Gaverel portait sous le bras la serviette de maroquin, toujours sanglée de sa courroie. Il avait dû certainement déjeuner sans desserrer son étreinte.

Lupin exposa le but de sa visite : l’achat éventuel du Clair-Logis. Philippe Gaverel formula ses conditions.

Lupin réfléchit un instant. Il regardait les deux sœurs. Un jeune homme, qui faisait la cour à l’aînée, et qu’elle annonça elle-même comme son fiancé, venait de les rejoindre et ils riaient tous les trois. Il fut gêné. Toujours scrupuleux, il se demandait jusqu’à quel point son projet d’acquisition à bon marché pouvait léser les deux sœurs.

En fin de compte, il sollicita un délai de quarante-huit heures avant de prendre une décision.

— Nous sommes d’accord, répondit M. Gaverel. Mais vous voudrez bien traiter avec mon notaire. Je pars tout à l’heure pour le Midi.

Et il expliqua que, étant veuf depuis huit mois, et son fils venant de se marier à Nice, il allait le retrouver pour passer une partie de l’année auprès du jeune ménage.

— D’ailleurs, je n’habite pas ici, chez mes nièces. Tenez, voici ma villa, à côté, l’Orangerie. Nos deux jardins ne font qu’un. La maison est agréable. Mais vous ne pouvez pas la juger, close comme elle est, et barricadée de ses volets.

Lupin resta une heure encore, bavardant et plaisantant avec les jeunes filles, leur racontant maintes aventures et histoires qui les amusaient. Mais, du coin de l’œil, il observait M. Gaverel.

On se promena dans le jardin des Clématites et dans le jardin de l’Orangerie. Philippe Gaverel, sa serviette de maroquin sous le bras, donnait des ordres à son valet de chambre, lequel, ayant fait charger les malles et les sacs sur un camion automobile, partit en avant pour la gare de Lyon.

— Et ta serviette, mon oncle, tu l’emportes ? dit une des sœurs.

— Bien sûr que non, dit-il, ce sont des papiers d’affaires, sans importance que j’ai ramenés de Paris et que je vais ranger chez moi.

De fait, il entra dans la maison. Vingt minutes après, il en sortait. Plus de serviette sous le bras, et aucun gonflement de poche qui permît de croire que les liasses de billets pussent être sur lui.

« Il les a cachées dans sa maison, se dit Lupin. Il doit être sûr de sa cachette. Décidément, c’est un vieux malin qui a fraudé le fisc sur la liquidation de la succession de sa femme. Ces gens-là ne méritent aucun ménagement. »

Il le prit à part et déclara :

— Tout bien réfléchi, monsieur, je suis acheteur.

— Parfait, dit M. Gaverel qui remit les clefs de sa villa à ses nièces.

Ils partirent ensemble. M. Gaverel n’avait décidément pas sa serviette de maroquin.


Deux semaines après, Lupin signait un chèque. Simple avance qu’il faisait au vendeur, le prix du Clair-Logis étant plusieurs fois garanti par les liasses de billets mises à l’abri dans la villa de l’Orangerie. Il ne se pressa même pas d’accomplir les re-