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— Je viens d’en parler à Félicien Charles, qui n’a pas nié.

— Et vous en concluez ?

— Oh ! les conclusions d’un juge d’instruction ne sont pas si rapides. Avant de conclure, il y a des étapes. Tout au plus aurait-on le droit d’envisager que l’idée d’un coup à faire a pu germer dans le cerveau de l’un d’eux, et qu’ils ont fait exécuter le coup par le vieux Barthélemy, complice subalterne et coutumier de ces besognes-là…

— Après quoi ?

— Après quoi, au cours de la nuit suivante, le sac de toile grise ayant été volé, puis perdu, puis retrouvé dans le jardin par l’un d’eux, les deux amis se le disputent, le poignard en main.

— Et le rôle de Jérôme Helmas dans tout cela ?

— Rôle de passant qui gêne l’un des deux acteurs du drame et dont on se débarrasse.


Le surlendemain, Raoul apprit que Simon Lorient était au plus mal. Il courut à la clinique.

M. Rousselain se trouvait déjà là, ainsi que l’inspecteur Goussot. Un peu à l’écart, Faustine leur tournait le dos. Raoul aperçut son visage qui était dur et sans espérance.

Simon Lorient râlait.

Un moment, il s’assit sur son lit et il promena sur les assistants des yeux lucides. Il vit sa maîtresse et lui sourit.

Cependant, le brouillard de l’agonie l’envahissait de nouveau, et, tout doucement, comme un enfant qui gémit, il délira.

On entendit ces mots :

— La cachette… le vieux a trouvé le sac… Et puis après… J’ai cherché… et je ne sais plus… Félicien…

Il répéta plusieurs fois :

— Félicien… Félicien… Un coup joliment bien combiné… Félicien…

Puis il retomba sur l’oreiller, inerte.

Un long silence. Raoul rencontra le regard haineux de Faustine. L’homme qui avait tué son amant, n’était-ce pas celui dont le nom venait d’être prononcé par la voix sincère d’un moribond ?

M. Rousselain, suivi de l’inspecteur Goussot, entraîna dehors Raoul d’Averny et lui dit :

— Je regrette, monsieur d’Averny, Félicien Charles était votre hôte. Vous le protégiez. Mais, en vérité, les présomptions sont bien fortes…

Il semblait hésiter, cependant. Raoul, qu’obsédait le désespoir de Faustine, songea que l’arrestation mettrait Félicien, coupable ou non, à l’abri d’un acte imbécile de vengeance, et ne protesta pas.

— Je ne saurais vous désapprouver, monsieur le juge d’instruction. Félicien doit être dans le pavillon qu’il occupe chez moi.

L’autorité de Raoul décida M. Rousselain qui prononça :

— Vous le mènerez au dépôt, inspecteur Goussot. Qu’on le tienne à ma disposition.


VI

La statue


Le soir, après son dîner, sachant par son personnel que l’arrestation de Félicien avait été opérée discrètement et à l’insu de tout le monde, Raoul se rendit au pavillon où le jeune homme habitait jusque-là. Ce pavillon était composé simplement d’un rez-de-chaussée avec deux pièces, l’une qui servait d’atelier, et l’autre que Félicien utilisait comme chambre à coucher, et qui comprenait une salle de bains.

Il s’installa dans l’atelier, laissant la porte ouverte, ainsi que la porte de l’entrée.