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Mais le silence de l’inspecteur mettait fin à la scène.

Debout sur le perron, très belle dans ses vêtements de deuil, Rolande avait écouté.

Elle saisit le bras de son oncle. Ils allaient à la clinique auprès de Jérôme Helmas.

Raoul n’insista pas. Au bout d’un moment, il dit à Félicien :

— Rentrons.

Et il salua le juge d’instruction.


En route, Raoul d’Averny demeura taciturne. Arrivé devant sa villa, il conduisit le jeune homme dans un petit cabinet de travail qui s’ouvrait en arrière des salons, sur un coin de jardin isolé par des haies.

Là, il le fit asseoir et lui dit :

— Vous ne m’avez jamais demandé pourquoi je vous avais écrit de venir me voir.

— Je n’ai pas osé, monsieur.

— Par conséquent, vous ne savez pas pourquoi je vous ai offert de décorer cette villa et d’y habiter ?

— Non.

— Vous n’êtes pas curieux ?

— J’ai craint d’être indiscret. Vous ne m’interrogiez pas.

— Si. Je vous ai questionné sur votre passé. Vous m’avez dit que vos parents étaient morts depuis des années et que la vie était dure pour vous. Mais j’ai senti une telle réserve, un tel désir de ne rien révéler sur vous-même que je n’ai pas insisté. Depuis, on ne s’est guère parlé, vous et moi, ce qui fait que, somme toute, je ne vous connais pas. Aujourd’hui…

Après une pause, où il parut hésiter, il conclut assez brusquement :

— Aujourd’hui, il semble que vous êtes compromis dans une mauvaise affaire, ou du moins qu’il vous est difficile d’expliquer le rôle que vous y avez joué, peut-être à votre insu. Voulez-vous vous confier à moi sans réticence ?

Félicien expliqua :

— Vous ne sauriez croire, monsieur, à quel point je vous suis reconnaissant de tout ce que vous avez fait pour moi. Mais je n’ai rien à confier.

— Je ne déteste pas votre réponse, dit Raoul. À votre âge, et dans les circonstances où vous vous trouvez, il faut savoir se débrouiller tout seul. Si vous êtes coupable de quelque chose, tant pis pour vous. Si vous êtes innocent, la vie vous récompensera.

Félicien se leva et s’approcha de Raoul d’Averny.

— Que croyez-vous donc, monsieur ?

Raoul l’observa un bon moment. Les yeux du jeune homme clignotaient, le visage manquait de franchise. Il prononça :

— Je ne sais pas.


L’enterrement d’Élisabeth Gaverel eut lieu le lendemain. Rolande marcha vaillamment jusqu’au cimetière et ne détourna pas ses yeux de la tombe ouverte.

Sur le cercueil, elle garda son bras tendu et chuchota des mots que l’on n’entendit point, des mots certes par quoi elle disait à sa sœur tout son désespoir et lui jurait de rester fidèle à son souvenir.

Elle s’en alla au bras de son oncle. Celui-ci eut une longue conversation avec M. Rousselain. Si accablé qu’il fût, il ne voulut pas démordre de son système.

— Pas un seul billet de banque, monsieur le juge, mais des lettres et des documents précieux. Je donne mission à la justice de mettre la main sur le sac de toile grise qui les contient. Et c’est ainsi que je rédigerai tantôt, avant mon départ pour le