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L’AGENCE BARNETT ET Cie

l’inspecteur, serrés contre l’homme aux dents d’or, ronflaient à qui mieux mieux, comme si chacun eût voulu couvrir le ronflement de l’autre. En entendant Barnett, M. Vernisson geignit :

« Qu’on n’avertisse pas ma femme… »

Jim Barnett se jeta sur le plancher et s’endormit aussitôt.

À huit heures trois quarts, Béchoux le réveilla. Le petit déjeuner était prêt. Barnett avala quatre toasts, son chocolat, ses œufs, fit asseoir ses auditeurs autour de lui et dit :

« Monsieur le curé, je tiens ma promesse, à l’heure fixée. Et toi, Béchoux, je vais te montrer comme quoi tous les trucs professionnels, empreintes, bouts de cigarettes et autres balivernes sont de peu de poids en face des données immédiates qu’apporte une intelligence claire appuyée sur un peu d’intuition et d’expérience. Je commence par M. Vernisson.

— Toutes les avanies, pourvu qu’on n’avertisse pas ma femme », balbutia M. Vernisson, qui semblait ravagé par l’insomnie et l’inquiétude.

Jim Barnett prononça :

« Il y a dix-huit ans, Alexandre Vernisson, qui voyageait déjà comme représentant d’une fabrique d’épingles, rencontra ici, à Vaneuil, une demoiselle Angélique, couturière aux environs. Ce fut le coup de foudre, de part et d’autre. M. Vernisson obtint un congé de quelques semaines, courtisa et enleva Mlle Angélique, qui l’aima tendrement, le choya, le rendit heureux et mourut deux ans après. Il ne s’en consola pas et, bien qu’il succombât plus tard aux coquetteries d’une demoiselle Honorine et